Présidence de l’Assemblée legislative
Michael Morden | Directeur
Service de recherche
Le présent rapport expose les principales fonctions de la présidente ou du président de l’Assemblée législative et ses interactions quotidiennes avec les députées et députés.
À l’extrémité sud de la Chambre de l’Assemblée législative, c’est-à-dire en plein cœur de l’action, une chaise de bois ouvragé trône sur une estrade. C’est de ce siège que la présidente ou le président supervise les activités de l’Assemblée.
La présidence est l’une des personnes essentielles de l’Assemblée législative. Comme elle préside les séances parlementaires et a la garde des droits et privilèges traditionnels des députées et députés, cette personne occupe des fonctions séculaires. Son autorité s’étend à toute l’enceinte de l’Assemblée, dont elle est l’élément central de gouvernance.
Les pages qui suivent présentent certaines des fonctions principales de la présidence et ses interactions quotidiennes avec les députées et députés.
Élire la présidente ou le président est le premier point à l’ordre du jour lorsque l’Assemblée se réunit après une élection générale ou au début d’une session ou séance, si le poste est vacant.
Cette élection a lieu avant même la lecture du discours du Trône. Les députées et députés non-chefs de parti peuvent proposer la candidature de leurs collègues, qui peuvent accepter ou refuser. Depuis 1990, l’élection se fait par scrutin secret, le seul du genre à l’Assemblée. Si nécessaire, on tient plusieurs tours, jusqu’à ce qu’une candidate ou un candidat reçoive une nette majorité des votes.
Vivre dangereusement
Une fois élue ou élu, la nouvelle présidente ou le nouveau président est joyeusement saisi par ses collègues, qui l’amènent « de force » à son trône tandis qu’elle ou il fait semblant de résister. Cette tradition est un clin d’œil à la longue histoire de cette fonction. Au Moyen-Âge, le président du Parlement anglais était nommé par la Couronne, et se trouvait souvent pris entre deux feux lorsqu’il y avait conflit entre le Parlement et le roi. Pour cette raison, le poste était craint; sept présidents ont fini décapités sur une période de 150 ans. En 1642, lors de la Première révolution anglaise, le président de la Chambre des communes est passé à la postérité pour avoir défié le roi Charles Ier en se déclarant au service du Parlement et du Parlement seul. Aujourd’hui encore, la fonction de président incarne ce rôle de serviteur et de protecteur de la Législature.
La présidence est au cœur du protocole de l’Assemblée. Chaque jour de séance commence par le défilé de la présidente ou du président : la sergente ou le sergent d’armes, sa masse d’apparat à l’épaule, conduit la présidente ou le président et les greffières et greffiers à travers l’édifice de l’Assemblée jusqu’à la Chambre. Les députées et députés se lèvent à l’entrée de la présidente ou du président et restent debout jusqu’à ce qu’elle ou il s’assoie sur son trône.
De nombreuses coutumes parlementaires sont des marques de respect pour la fonction de président. Chose très importante pour les travaux de l’Assemblée : les députées et députés sont tenus de cesser de parler lorsque la présidente ou le président se lève de son trône. Celles et ceux qui veulent faire des observations doivent toujours passer par la présidente ou le président. Elles et ils ne doivent jamais obstruer sa vue sur un ou une collègue qui prend la parole, ni marcher entre la présidente ou le président et la Masse de cérémonie. Elles et ils doivent de plus faire une révérence à la présidence lorsqu’elles ou ils traversent la salle de l’Assemblée.
La présidente ou le président dirige tous les travaux de l’Assemblée. C’est elle ou lui qui veille à ce que les travaux suivent l’ordre du jour et qui autorise les députées et députés à poser des questions et à prendre la parole lors des débats. Bien qu’elle ou il soit généralement élu en tant que membre d’un parti, la présidente ou le président se doit de toujours faire preuve d’impartialité. Dès son élection, elle ou il cesse de participer aux réunions des caucus et aux autres activités partisanes.
Il lui revient aussi d’interpréter et de faire respecter les règles écrites, et de prendre les décisions concernant les « éventualités non prévues par le Règlement » (Règl. 1). Dans ce cas de figure, la présidente ou le président fonde ses décisions sur les droits démocratiques des députées et députés, qui sont définis dans les écrits antérieurs et fondés sur les traditions parlementaires. C’est elle ou lui qui a le dernier mot dans les questions de procédure, et sa décision est sans appel.
Les décisions de la présidence sont consignées dans l’Index des sujets traités à la Chambre, le registre écrit de l’Assemblée législative. Le site Web de la Chambre des communes du Canada héberge aussi un index des décisions de la présidence, qui souvent reflètent des principes analogues à ceux que la présidente ou le président de l’Assemblée législative est là pour faire respecter.
Rappels au Règlement et questions de privilege
La présidente ou le président doit régulièrement trancher les « rappels au Règlement » et les « questions de privilège » soulevés par les députées et députés.
- Rappel au Règlement : Une députée ou un député soulève un rappel au Règlement lorsqu’elle ou il estime qu’il y a eu manquement aux règles de l’Assemblée, notamment au Règlement ou aux usages et traditions. Le Règlement exige que cette députée ou ce député explique de façon concise quelle règle a été enfreinte et de quelle façon (Règl. 14 d)). De son côté, la présidente ou le président doit déterminer s’il y a bel et bien eu manquement. Elle ou il peut se prononcer immédiatement ou faire part de sa décision à l’Assemblée ultérieurement.
- Question de privilège : Les députées et députés de l’Assemblée détiennent, individuellement et collectivement, des droits particuliers qu’on appelle des privilèges parlementaires. Toute députée ou tout député peut soulever une « question de privilège » pour signaler que d’après elle ou lui, il y a eu atteinte à un privilège parlementaire. Par exemple, elle ou il peut faire valoir qu’on lui a fait obstruction dans l’exercice de ses fonctions parlementaires. Ces questions étant prises très au sérieux, l’affaire est réglée sur-le-champ dès que la présidente ou le président juge qu’il y a eu, à première vue, une telle atteinte aux privilèges parlementaires. C’est celle-ci ou celui-ci qui prend la décision initiale d’examiner le point soulevé de plus près ou non, mais la décision finale revient à l’Assemblée au moyen d’un scrutin.
Impolitesse et propos non parlementaires
La présidente ou le président est également responsable de maintenir le décorum et le savoir-vivre dans la Chambre. Les débats parlementaires sont souvent houleux. Les députées et députés sont là pour demander des comptes au gouvernement et à leurs collègues; elles et ils représentent et reflètent les débats de société importants. C’est toutefois la présidente ou le président qui agit comme arbitre et maintient l’ordre quand les esprits s’échauffent, afin que les débats soient productifs et se déroulent dans le respect de l’institution et de ses membres.
La députée ou le député qui tient des « propos non parlementaires » sera sommé de s’expliquer. Voici des exemples
- Formuler des allégations à l’endroit d’une députée ou d’un député;
- Attribuer à une députée ou un député des motifs erronés;
- Accuser une députée ou un député de dire un mensonge;
- Prononcer des paroles injurieuses ou offensantes;
- Prononcer des paroles susceptibles de semer le désordre.
Les propos non parlementaires ne se limitent pas simplement aux mots employés. S’il est vrai que certains mots sont totalement inacceptables, notamment les obscénités et les injures, c’est parfois une question de contexte. Le ton qu’emploie la députée ou le député, son intention apparente et son comportement sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte; c’est la présidente ou le président qui juge s’il y a eu propos non parlementaires[i] et interprète les règles et les précédents au vu du contexte de l’incident.
Si une députée ou un député perturbe les travaux, la présidente ou le président va habituellement interrompre le débat pour lui signifier un rappel à l’ordre. Si des propos non parlementaires ont été entendus, elle ou il va exiger le retrait de ces propos, ce que la députée ou le député va généralement faire immédiatement. Dans les rares cas d’entêtement, la présidente ou le président peut « nommer » la députée ou le député pris en défaut, c’est-à-dire qu’elle ou il l’appelle par son nom au lieu d’employer la formule « la députée/le député de (nom de la circonscription) ». Lorsque cela se produit, cette députée ou ce député est expulsé de l’Assemblée au moins pour le reste du jour de séance.
Protection des droits de l’Assemblée
Il se peut aussi que la présidente ou le président doive défendre les droits collectifs de l’Assemblée. Par exemple, l’Assemblée législative a le droit d’obliger la comparution des témoins ou la production des documents nécessaires à ses travaux. Ce sont souvent les comités qui exercent ce droit, car ils sont chargés d’examiner minutieusement les questions de politique et d’administration. Le comité dont la citation à comparaître ou la demande de production reste sans réponse peut demander à l’Assemblée d’appuyer son rapport ou d’adopter une motion, auquel cas la présidente ou le président peut signer un mandat pour obliger la comparution du témoin ou la production de la documentation.
Responsabilités administratives
En plus des séances de l’Assemblée, la présidente ou le président dirige le Bureau de l’Assemblée, qui comprend les ressources professionnelles et non partisanes ainsi que les bureaux administratifs de l’Assemblée législative. En tant que chef de l’administration du Bureau de l’Assemblée, la présidente ou le président collabore étroitement avec la greffière ou le greffier de l’Assemblée législative, qui occupe en permanence le poste non partisan de principale ou principal fonctionnaire de l’Assemblée.
De plus, la présidente ou le président préside la Commission de régie interne, un comité qui supervise le budget et la gouvernance de l’Assemblée. Cette commission se compose de représentantes et représentants de tous les partis officiels. Elle examine et autorise le budget des dépenses du Bureau de l’Assemblée.
La présidente ou le président de l’Assemblée est une figure unique et essentielle du Parlement de l’Ontario et de l’institution démocratique provinciale. Elle ou il demeure à l’écart des politiques partisanes, et agit comme arbitre impartial pour l’institution et auprès de ses députées et députés.
Notes
[i] Marc Bosc et André Gagnon, La procédure et les usages de la Chambre des communes, Troisième édition (Chambre des communes, 2017), p. 624.