février 2023
Les nominations publiques en Ontario
Lauren Warner | Agent de recherche
Le présent rapport dresse un portrait du processus des nominations publiques en Ontario et explique les rôles qu’y jouent le Cabinet du premier ministre, les ministères et le Secrétariat des nominations. Il traite également de l’examen des nominations par le Comité permanent des organismes gouvernementaux de l’Assemblée législative et présente un bref historique de ce volet du mandat du Comité.
Les nominations publiques consistent pour le gouvernement à nommer des personnes à des postes au sein d’organismes gouvernementaux et d’autres entités publiques. La personne nommée peut être appelée à surveiller l’organisme et à lui donner une orientation stratégique, à rendre des avis aux ministres ou à régler des différends (dans le cas des arbitres)[1]. Chaque année, le gouvernement provincial procède à environ 1 500 nominations publiques pour 191 organismes gouvernementaux et 360 autres entités publiques[2].
Les organismes gouvernementaux sont des entités créées par le gouvernement pour fournir et gérer des services publics ou formuler des avis à leur égard, et dont la majorité des membres du conseil d’administration sont nommés par le gouvernement[3]. Sur le plan organisationnel, ils ne font pas partie d’un ministère, mais ils sont considérés comme faisant partie du gouvernement de l’Ontario. La LCBO (Régie des alcools de l’Ontario) est un exemple d’organisme gouvernemental; c’est une société de la Couronne dont le conseil d’administration est nommé par le Conseil des ministres. Le Tribunal des droits de la personne en est un autre; c’est un tribunal décisionnel dont les arbitres sont nommés par le Conseil des ministres
Bien qu’ils soient créés par le gouvernement, les organismes gouvernementaux sont généralement indépendants de lui. Ils sont toutefois responsables devant lui et, en fin de compte, devant l’Assemblée législative, par l’entremise de la ou du ministre responsable de la loi habilitante de l’entité[4]. Par exemple, la LCBO relève du ministère des Finances, et le Tribunal des droits de la personne, du ministère du Procureur général[5] . Les organismes gouvernementaux doivent se conformer au cadre de responsabilisation établi dans la Directive concernant les organismes et les nominations donnée par le Conseil de gestion du gouvernement.
Le gouvernement fait également des nominations pour d’autres entités publiques, comme les conseils des universités, les commissions de services policiers et les bureaux de santé publique. Ces organismes ne sont pas tenus aux exigences imposées par le Conseil de gestion du gouvernement aux organismes gouvernementaux et ne font pas partie du gouvernement de l’Ontario. Toutefois, ils sont considérés comme des entités publiques parce que le gouvernement y nomme au moins une personne[6].
En Ontario, comme dans les autres États ayant un parlement du modèle de Westminster, les nominations à des organismes gouvernementaux sont traditionnellement la prérogative de l’organe exécutif (c’est-à-dire la première ministre ou le premier ministre et le Conseil des ministres). À la différence du Congrès américain, les nominations dans un système de Westminster n’exigent généralement pas de confirmation par une commission parlementaire[7]. Au lieu de cela, les organismes relèvent de l’Assemblée législative par l’entremise de la ou du ministre responsable. Toutefois, en Ontario, le Comité permanent des organismes gouvernementaux joue un rôle dans le processus de nomination depuis 1990 (voir plus loin).
Aujourd’hui, le gouvernement ontarien procède à des nominations publiques de trois façons:
- par décret sur recommandation de la première ministre ou du premier ministre;
- par décret sur recommandation d’une ou d’un ministre;
- par lettre ministérielle[8].
C’est donc la première ministre ou le premier ministre, ou la ministre ou le ministre compétent qui décide de la personne à nommer, mais c’est le Secrétariat des nominations qui coordonne le processus, fournissant également un soutien administratif au Cabinet du premier ministre et aux ministères[9]. Grosso modo, le processus se déroule comme suit.
Candidatures, vérification des antécédents et entretiens
Le Secrétariat des nominations tient un site Web qui contient, entre autres, un répertoire de tous les postes à pourvoir[10]. Il rend compte aux ministères des vacances actuelles et à venir et affiche celles-ci sur son site Web. Les personnes intéressées postulent directement auprès du Secrétariat, qui transmet les candidatures au ministère compétent.
Pour la plupart des nominations, il incombe au Bureau du ministre de déterminer les détails du processus de recrutement, de recenser les candidates et candidats et de vérifier leurs antécédents. Toutefois, le niveau de participation de la ou du ministre varie quelque peu selon le ministère. Dans les ministères qui doivent procéder à un grand nombre de nominations, le personnel peut contribuer davantage au processus de sélection et recommander des candidates et candidats à la ou au ministre. Dans d’autres ministères, le Bureau du ministre peut participer directement à l’entretien avec les candidates et candidats[11].
Les tribunaux décisionnels, comme le Tribunal des droits de la personne et la Commission de la location immobilière, suivent un processus légèrement différent : c’est la présidence exécutive du tribunal qui recense les candidates et candidats, vérifie les antécédents et réalise les entretiens. En vertu de la Loi de 2009 sur la responsabilisation et la gouvernance des tribunaux décisionnels et les nominations à ces tribunaux, elle recommande ensuite des candidates et candidats à la ou au ministre[12].
Approbation officielle : nominations par décret
Pour les nominations par décret, une fois que la personne est choisie, le Secrétariat prépare un décret que signe la première ministre ou le premier ministre, ou la ou le ministre. Puis, le Secrétariat examine le décret signé et les autres documents de nomination, et envoie le tout au Conseil des ministres. Il se concerte ensuite avec le Cabinet du premier ministre pour prévoir du temps pour que le Conseil des ministres examine et approuve la nomination[13] .
Examen par le Comité permanent des organismes gouvernementaux
Les candidatures envisagées pour certaines nominations par décret peuvent être examinées par le Comité permanent des organismes gouvernementaux avant d’être officialisées. L’alinéa f) de l’article 111 du Règlement de l’Assemblée législative établit deux critères qui rendent une nomination à un organisme susceptible d’examen par le Comité.
- La lieutenante-gouverneure ou le lieutenant-gouverneur en conseil (le Conseil des ministres) s’occupe de certaines ou de l’entièreté des nominations pour l’organisme, ou
- l’organisme est une personne morale dont la province est le principal actionnaire
Le Règlement exclut explicitement l’examen des renouvellements de mandat et des nominations pour un mandat d’une durée maximale d’un an. De plus, les nominations faites par lettre ministérielle ne peuvent être examinées par le Comité, à moins que l’organisme ne soit une personne morale dont la province est le principal actionnaire. Au moment de la rédaction du présent rapport, deux sociétés semblaient entrer dans cette catégorie : la Ontario Power Generation et la Société de transport d’Owen Sound.
Processus d’examen par le Comité
Le processus d’examen se déroule habituellement comme suit. Après la réunion du Conseil des ministres, le Cabinet du premier ministre délivre un certificat de proposition de nomination, qui est soumis au Comité. La greffière ou le greffier du Comité envoie le certificat à un sous-comité composé de la présidence du Comité et d’une ou d’un membre de chaque parti, pour qu’il sélectionne les candidatures à examiner.
Le Comité dispose ensuite de 14 jours pour choisir les candidatures qu’il souhaite examiner, et de 30 jours pour faire rapport sur les propositions de nomination. Après ce délai, pour les propositions non retenues, le Comité est réputé avoir indiqué qu’il ne les étudierait pas (on dit parfois que le certificat « expire » après 30 jours). Toutefois, le Comité peut, par consentement unanime, proroger ces délais[14].
Seul un faible pourcentage de l’ensemble des propositions de nomination par décret est examiné par le Comité. Par exemple, entre 2011 et 2015, le Comité a procédé à l’examen de 125 des 2 014 propositions soumises (environ 6 %)[15]. En général, le Comité examine deux candidatures par semaine lorsque la Chambre siège.
L’examen lui-même consiste à convoquer la candidate ou le candidat devant le Comité pour répondre aux questions des députées et députés de chaque parti reconnu. Avant la réunion, les membres du Comité reçoivent un document d’information sur l’organisme de la part du Service de recherche de l’Assemblée législative ainsi que des renseignements sur la candidate ou le candidat de la part du Secrétariat et du Cabinet du premier ministre.
À la suite des questions des députées et députés, le Comité vote pour indiquer s’il est d’accord ou non avec la nomination. Bien que le processus d’examen donne au Comité l’occasion d’interroger les personnes nommées et d’exprimer son opinion, le Comité n’a pas le pouvoir d’opposer son veto à une nomination[16].
Une fois l’examen du Comité terminé, ou si le Comité y a renoncé ou que le délai de 30 jours est écoulé, la lieutenante-gouverneure ou le lieutenant-gouverneur signe le décret, ce qui marque la fin du processus de nomination par décret[17].
Approbation officielle : nomination par lettre ministérielle
Les nominations par lettre ministérielle ne nécessitent pas l’approbation du Conseil des ministres et, comme il est mentionné ci-dessus, la plupart ne peuvent pas être examinées par le Comité permanent des organismes gouvernementaux. Au lieu de cela, une fois qu’une personne est choisie, le personnel du ministère prépare une lettre de nomination officielle, et le processus prend fin lorsque la ou le ministre appose sa signature[18].
C’est en décembre 1990 que le Comité permanent des organismes gouvernementaux se voit confier la tâche d’examiner les nominations envisagées. Ce nouveau mandat fait suite à un rapport déposé en 1986 par un comité législatif multipartite qui s’était livré à l’étude du processus des nominations publiques. Dans le cadre de ses travaux, ce comité avait tenu des audiences publiques en Ontario et avait fait le déplacement jusqu’au Sénat des États-Unis ainsi qu’aux assemblées législatives des États de New York et de la Californie[19].
Le comité concluait que les principes d’ouverture et de responsabilisation devaient guider le processus de nomination et recommandait, entre autres choses, que les nominations par décret envisagées soient soumises à l’examen d’un comité législatif. Toutefois, il reconnaissait également que, dans un système de Westminster, le parti du gouvernement devait avoir le pouvoir de faire des nominations[20]. Par conséquent, plutôt qu’un veto de type américain, il recommandait l’octroi d’un délai de 30 jours à un comité législatif (ou à plusieurs comités) pour l’examen des nominations envisagées, le décret prenant automatiquement effet après cette période.
Il souhaitait également que le rapport de ce comité législatif à la Chambre soit une simple déclaration indiquant s’il était d’accord ou non avec la nomination. Il estimait que cette formule, plutôt que l’abrogation de la prérogative du gouvernement de faire des nominations, renforcerait l’équité et la transparence du processus de nomination[21].
En 1990, le gouvernement adopte en grande partie les recommandations du comité et réforme le processus de nomination. Des modifications sont apportées au Règlement de l’Assemblée afin de permettre au Comité permanent des organismes gouvernementaux d’examiner les propositions de nomination. Le Secrétariat des nominations est créé au même moment, à titre d’organisme central chargé de coordonner le processus de nomination[22].
Bien que le nouveau processus d’examen par le Comité soit maintenant fort d’une transparence accrue, le maintien d’un système de nomination parfois partisan ne fait pas l’unanimité. Selon les médias, certains membres de la députation et commentatrices et commentateurs sont déçus de la portée de l’exercice confié au Comité, qui ne peut pas opposer son veto aux nominations[23] . À certains égards, le Comité peut être vu comme une simple tribune pour débattre des limites du favoritisme à ne pas dépasser, plutôt que comme un mécanisme servant à l’éliminer[24] . Dans son étude de 2008 portant sur le Comité, David Pond écrivait qu’un point de vue constamment exprimé par les députées et députés du gouvernement et de l’opposition était que le favoritisme se défendait comme une manifestation acceptable du parti au gouvernement, à condition que les personnes nommées en raison de leurs liens politiques soient également compétentes[25].
Nous avons présenté ici une vue d’ensemble du processus des nominations publiques en Ontario, en expliquant notamment les rôles respectifs du Cabinet du premier ministre, des ministères et du Secrétariat des nominations. Nous avons également exposé le mandat, le rôle et l’histoire du Comité permanent des organismes gouvernementaux.
Pour de plus amples informations, voir les documents suivants:
- Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public », section 4.02, Rapport annuel 2016.
- Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public : Suivi », section 1.14, Rapport annuel 2018.
- David Pond, « Legislative Control of Cabinet Appointments to the Public Service: A Canadian Case-Study in the Political Limits to Parliamentary Reform », Parliamentary Affairs, 61.1 (janvier 2008), p. 52 à 72.
Notes
[1] Ontario, « Nominations ».
[2] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public : Suivi », section 1.14, Rapport annuel 2018, vol. 2, p. 259
[3] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public », Rapport annuel 2016, p. 813.
[4] Secrétariat du Conseil du Trésor, Aperçu de la gouvernance des organismes et du rôle des personnes nommées par le gouvernement, 2021 (diaporama), diapositive 14 (extrait de : Secrétariat des nominations, « Aperçu du rôle de la personne nommée »).
[5] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Améliorer la reddition de compte », chap. 5, Rapport annuel 2015, p. 802.
[6] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public », p. 816.
[7] Comité permanent de l’Assemblée législative, Report on Appointments in the Public Sector, juin 1986, p. 6 et 7.
[8] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public », p. 813.
[9] Ontario, Répertoire des employés et des bureaux (INFO-GO), « Nominations ».
[10] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public », p. 810.
[11] Ibid., p. 818.
[12] Ibid.; Loi de 2009 sur la responsabilisation et la gouvernance des tribunaux décisionnels et les nominations à ces tribunaux, L.O. 2009, chap. 33, annexe 5, par. 14 (4).
[13] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public », p. 818 et 819.
[14] Règlement de l’Assemblée législative de l’Ontario, alinéa 111 f), paragraphes 1, 2 et 10.
[15] Vérificatrice générale de l’Ontario, « Le processus provincial de nomination dans le secteur public », p. 819.
[16] Ibid.
[17] Ibid.
[18] Ibid.
[19] Comité permanent de l’Assemblée législative, Report on Appointments in the Public Sector, p. 1; David Pond, « Legislative Control of Cabinet Appointments to the Public Service: A Canadian CaseStudy in the Political Limits to Parliamentary Reform », Parliamentary Affairs, 61.1 (janvier 2008), p. 55
[20] Comité permanent de l’Assemblée législative, Report on Appointments in the Public Sector, p. 8.
[21] Ibid., p. 23.
[22] Ibid., p. 56.
[23] Voir, par exemple, Margaret Polanyi, « Appointment system assailed: Review process 'little more than façade,' MPP says », Globe and Mail, avril 1991; Jim Coyle, « Appointment reviews sham taints some worthy nominations », Ottawa Citizen, 14 mai 1991; et Kevin Ward, « Queen of Ontario patronage: Phillips reigns in handing out government jobs », Kitchener-Waterloo Record, 8 avril 1991
[24] David Pond, « Legislative Control of Cabinet Appointments to the Public Service: A Canadian CaseStudy in the Political Limits to Parliamentary Reform », p. 70.
[25] Ibid.