La gouvernance municipale au Canada
Michael Vidoni | Agent de recherche
Service de recherche
La plupart des Canadiennes et des Canadiens vivent à l’intérieur des limites d’une municipalité, que ce soit l’un des grands centres urbains du pays, une localité rurale peu peuplée ou l’une des nombreuses déclinaisons qui existent entre ces deux extrêmes. Pour beaucoup, la municipalité est le palier de gouvernement le plus visible dans leur vie quotidienne, puisqu’elle offre des services essentiels comme la police, la protection contre les incendies et la gestion des déchets. Bien sûr, il y a des similarités entre les municipalités sur les plans de la gouvernance et des services qu’elles sont tenues d’assurer, mais leur structure, que le présent rapport de recherche se propose d’examiner, varie considérablement d’une province à l’autre.
La plupart des Canadiennes et des Canadiens vivent à l’intérieur des limites d’une municipalité, que ce soit l’un des grands centres urbains du pays, une localité rurale peu peuplée ou l’une des nombreuses déclinaisons qui existent entre ces deux extrêmes. Pour beaucoup, la municipalité est le palier de gouvernement le plus visible dans leur vie quotidienne, puisqu’elle offre des services essentiels comme la police, la protection contre les incendies et la gestion des déchets. Bien sûr, il y a des similarités entre les municipalités sur les plans de la gouvernance et des services qu’elles sont tenues d’assurer, mais leur structure, que le présent rapport de recherche se propose d’examiner, varie considérablement d’une province à l’autre.
La relation entre les municipalités et les provinces découle de l’article 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui confère aux assemblées législatives provinciales le pouvoir exclusif de légiférer « en ce qui concerne les institutions municipales dans la province[1] ». Il est vrai que les rapports entre les provinces et les municipalités n’ont pas toujours été parfaitement harmonieux, mais il ne faut pas oublier que la Loi a été adoptée à une époque où le Canada était en grande partie rural et axé sur l’exploitation des ressources, et où les municipalités étaient petites et peu nombreuses.
Cependant, au fil du temps, les provinces ont adopté des lois pour créer des municipalités et leur accorder des pouvoirs accrus. Ces lois ont évolué pour répondre au souhait des résidentes et résidents que leurs municipalités assument davantage de responsabilités. Les services que les municipalités ont le pouvoir ou l’obligation de fournir sont relativement semblables partout au Canada; par contre, la façon dont les municipalités sont structurées, administrées et supervisées varie d’une province à l’autre. Dans les régions à faible densité où aucune municipalité n’est légalement constituée, c’est souvent la province qui joue le rôle de municipalité et qui fournit les services de base au moyen de divers dispositifs.
Le présent rapport de recherche porte sur les caractéristiques structurelles des municipalités. Même si ce genre d’analyse aborde inévitablement des questions comme les services municipaux et leur mode de financement, le rapport porte principalement sur les divers modèles de gouvernance municipale qui existent au Canada. Il se limite toutefois à ceux que l’on trouve dans les provinces parce que les territoires, eux, ont une relation différente avec l’État fédéral. De même, il ne traite pas des entités assimilées à des municipalités dans certaines réserves des Premières Nations du Canada, même si, dans la pratique, elles possèdent souvent certaines des caractéristiques des municipalités hors réserve.
Les municipalités sont parfois qualifiées de « créatures » des provinces parce qu’elles sont constituées par une loi provinciale. Toutefois, ce genre de loi ne sert généralement qu’à fonder la municipalité et à fixer ses limites territoriales et d’autres éléments constitutionnels; elle ne définit pas nécessairement ses pouvoirs. C’est pourquoi les provinces ont adopté des lois générales qui régissent pratiquement toutes les municipalités qui se trouvent sur leur territoire pour leur donner compétence dans certains domaines. Ces lois et leurs règlements traitent généralement de questions comme les services que les municipalités doivent ou peuvent fournir, la structure de leurs conseils et leurs manières de se financer, entre autres choses. Comme nous le verrons plus loin, certaines provinces ont également accordé à certaines municipalités des pouvoirs particuliers qui diffèrent de ceux des autres municipalités sur leur territoire. Parfois appelées « villes à charte », ces municipalités sont néanmoins assujetties aux lois provinciales et n’ont pas de statut indépendant au sein de la Confédération.
Au xxe siècle, alors que le Canada s’urbanisait rapidement, les provinces ont commencé à reconnaître l’importance croissante des municipalités dans la prestation des services et la réponse aux besoins locaux. Cette évolution a donné lieu à la fois à des points communs et à d’importantes différences dans la façon dont les municipalités sont gouvernées d’une province à l’autre.
Domaines de compétence
Depuis les années 90, la plupart des provinces ont adopté une approche axée sur les « domaines de compétence » pour établir les pouvoirs et les responsabilités des municipalités. Cette approche donne aux municipalités un vaste pouvoir législatif sur des catégories générales (ex. : la santé, la sécurité et le bien-être des personnes; la protection des personnes et des biens), par opposition à une délégation explicite pour chaque pouvoir municipal. Toutes les provinces, sauf le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve-et-Labrador, ont défini des domaines de compétence pour leurs municipalités[2].
Pouvoirs d’une personne physique
La plupart des provinces ont donné plus de latitude à leurs municipalités en leur conférant les « pouvoirs d’une personne physique », une approche qui, à l’instar de celle portant sur les domaines de compétence, leur accorde davantage d’autonomie. Par ce terme, on entend généralement le droit de conclure des contrats, de posséder des biens et d’investir, et ce sans autorisation expresse de la loi[3]. Toutes les provinces, sauf le Québec, la Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve-et-Labrador et le Manitoba, ont donné ces pouvoirs à leurs municipalités. Au Manitoba, seule la ville de Winnipeg dispose des pouvoirs d’une personne physique.
Fusions
À partir des années 90, certaines provinces ont décidé de fusionner des municipalités contiguës pour en faire de plus grandes villes et améliorer l’efficacité de la prestation de services. Des fusions municipales ponctuelles avaient déjà été imposées avant cette période, mais dans les années 90, elles s’inscrivaient dans le cadre de grands chantiers de restructuration municipale. Par exemple, le nombre de municipalités en Ontario est passé de 850à l’origine à 444 à la fin du chantier, qui a notamment vu la fusion des six anciennes municipalités de la région métropolitaine de Toronto pour en faire la « mégacité » de Toronto en 1998. Ottawa et Hamilton, qui ne faisaient pas partie auparavant d’une structure métropolitaine, ont également fait l’objet de fusions en 2001. La Municipalité régionale d’Halifax a été créée à partir de quatre municipalités en 1996, et Montréal, Québec et d’autres grandes municipalités du Québec ont également été fusionnées au début des années 2000. En 2015, le Manitoba a lancé un programme de fusion pour ses municipalités de moins de 1 000 habitantes et habitants.
Cependant, les fusions n’ont pas fait l’unanimité, et le débat reste ouvert sur la question de savoir si elles ont permis de réaliser les fameux gains d’efficacité. Une des critiques qu’on peut leur faire est que les fusions, tout en créant de plus grandes municipalités, n’améliorent pas nécessairement la coopération entre les secteurs des anciennes villes pour les services essentiels comme le transport en commun[4]. Le Québec a « défusionné » certaines de ses municipalités peu après leur naissance et a créé à la place des entités régionales supplémentaires chargées d’offrir certains services, comme nous le verrons ci-dessous.
La forme de gouvernement local la plus répandue au Canada (et aussi la plus simple) est la municipalité à palier unique. Dans ce modèle, la municipalité n’est pas subordonnée à un autre palier (comté ou région), mais relève directement de la province. Il existe diverses formes de municipalités à palier unique d’un océan à l’autre, et elles présentent des différences parfois subtiles, parfois plus importantes. Elles se voient souvent conférer des pouvoirs législatifs différents selon leur taille et leur emplacement. De plus, certaines provinces ont accordé à des municipalités un statut spécial pour tenir compte de leur taille ou de leur importance régionale. Ces municipalités « à charte » tirent leurs pouvoirs de lois municipales spéciales plutôt que générales. Elles sont décrites dans la dernière section du présent rapport.
Les provinces canadiennes ne comptent que sur le système municipal à palier unique, à l’exception de la Colombie-Britannique, de l’Ontario et du Québec, qui ont chacune créé une forme d’administration ou de gouvernance régionale. À noter, alors que si toutes les municipalités de la Colombie-Britannique et du Québec font partie d’une structure régionale ou à paliers multiples, l’Ontario a un mélange de municipalités à palier unique et à deux paliers.
Municipalités à palier unique, mais différenciées
Les provinces qui n’ont que des municipalités à palier unique n’en font pas moins la distinction entre les municipalités de tailles ou de fonctions différentes, et leur confèrent des pouvoirs et des responsabilités idoines. Ces structures différenciées permettent aux municipalités de fournir des services et d’être gouvernées d’une façon qui correspond à leur taille et à leurs besoins, sans palier intermédiaire de gouvernement comme une région ou un comté. Voici quelques exemples de structures municipales différenciées.
Saskatchewan
La Saskatchewan distingue les municipalités urbaines (villes, villages et villages de villégiature), rurales et nordiques, chaque forme étant régie par une loi distincte. Ces lois habilitantes distinctes reflètent le fait que dans cette province, les villes sont séparées par de vastes zones de faible densité de population. Lorsque la densité est trop faible pour qu’on crée une structure municipale classique, la province établit des conseils consultatifs qui représentent les intérêts des résidentes et résidents dans la prestation des services[5].
Alberta
Les municipalités à palier unique de l’Alberta sont différenciées en fonction de leur densité résidentielle, ce qui leur confère des responsabilités et des pouvoirs différents. Les municipalités urbaines, c’est-à-dire les villes et les villages, sont tenues de fournir le même éventail de services. Les municipalités rurales, appelées districts municipaux, comprennent certains secteurs non constitués en municipalité et certains lotissements ruraux, et ne fournissent que l’essentiel des services de base à leur population. L’Alberta prévoit également la création de municipalités spécialisées lorsqu’aucune autre classification de municipalité ne peut répondre aux besoins des résidentes et résidents de la municipalité proposée[6].
Île-du-Prince-Édouard
L’Île-du-Prince-Édouard a établi des critères simples pour distinguer les types de municipalités : les villes doivent avoir une population estimée à 15 000 personnes ou plus et une valeur foncière totale évaluée à 750 000 000 $ ou plus, et les villages une population de 4 000 personnes ou plus, tandis que les municipalités rurales forment le reste. Les deux villes de la province, Charlottetown et Summerside, se voient accorder des pouvoirs supplémentaires (comme la propriété des voies publiques) et peuvent avoir des conseils municipaux plus importants[7].
Manitoba
Le Manitoba fait une distinction pour les petites municipalités, qui n’ont pas à offrir autant de services que les grands centres. Par exemple, elles ne sont pas tenues de fournir des services de police ou d’aménagement du territoire, mais le peuvent si elles le souhaitent[8]. Comme nous le verrons plus loin, la province a également accordé à Winnipeg – sa capitale et sa plus grande ville – des pouvoirs supplémentaires en lui octroyant une charte.
Les structures régionales ou municipales à deux paliers constituent l’exception au Canada. Seuls l’Ontario, la Colombie-Britannique et le Québec ont des structures de gouvernance à plusieurs paliers, et celles-ci diffèrent les unes des autres de façon importante. Certains experts soutiennent que seul l’Ontario a une véritable structure de gouvernance régionale parce que ses entités régionales ont d’importants pouvoirs de réglementation qui sont inexistants dans les autres provinces[9]. Toutefois, bien que les structures régionales de la Colombie-Britannique et du Québec aient des pouvoirs limités, elles assurent une certaine uniformité des services et de l’aménagement entre les municipalités et, à cet égard, jouent un rôle semblable à celui des municipalités de palier supérieur de l’Ontario.
Ontario
L’Ontario est la seule province qui soit dotée d’une structure de gouvernance municipale composée de deux paliers distincts de gouvernement élu. Il se distingue également par la coexistence de municipalités à deux paliers avec des municipalités à palier unique.
Les comtés et les régions de palier supérieur de l’Ontario fournissent des services collectifs aux municipalités de palier inférieur et sont régis par un conseil élu. Leurs responsabilités sont décrites dans la Loi de 2001 sur les municipalités, qui établit une distinction entre les services qui doivent être fournis par chaque palier. Fait à noter, les responsabilités attribuées aux régions et aux comtés varient selon les municipalités. Les régions de Waterloo et de York, par exemple, ont la compétence exclusive sur les réseaux de transport alors que la région de Peel n’a pas de compétence dans ce domaine; les municipalités de palier inférieur de Peel gèrent leurs propres réseaux de transport en commun[10]. Des différences semblables existent entre les régions pour d’autres services.
Les conseils de palier supérieur de l’Ontario sont tous dirigés par une présidente ou un président, mais là s’arrêtent les similitudes dans leur composition ou processus d’élection. Par exemple, le conseil régional de Durham est composé des maires de chacune des municipalités constituantes et de conseillères et conseillers locaux (qui sont élus aux conseils à la fois de palier supérieur et de palier inférieur). La présidente ou le président de la région est directement élu par la population[11]. Celle ou celui de la région de Waterloo est également élu au suffrage universel, mais le conseil est composé des maires de chacune des municipalités constituantes et des conseillères et conseillers, lesquels sont élus directement au conseil régional (et non aux conseils municipaux locaux)[12]. On trouvera à l’annexe 2 un tableau des modèles de gouvernance régionale de l’Ontario.
D’autres lois favorisent l’uniformité dans l’ensemble de la province pour d’autres aspects de la gouvernance. Ainsi, la Loi de 2001 sur les municipalités prévoit que les règlements municipaux des différents paliers ne doivent pas entrer en conflit entre eux, et qu’en cas d’incompatibilité, ce sont ceux des paliers supérieurs qui l’emportent[13]. De même, l’aménagement du territoire est coordonné entre les paliers, le plan officiel du palier inférieur devant être conforme à celui du palier supérieur[14].
Colombie-Britannique
Les 27 districts régionaux de la Colombie-Britannique forment une structure unique au Canada. Ce sont des fédérations de municipalités qui travaillent ensemble pour offrir des services et qui sont régies par la Local Government Act. Les districts régionaux sont tenus de fournir un petit nombre de services de base, bien que beaucoup choisissent d’offrir une plus grande gamme de services. Ils sont supervisés par un conseil d’administration composé de conseillères et conseillers municipaux locaux (choisis par les municipalités constituantes pour jouer ce rôle), de personnes nommées par les Premières Nations locales signataires d’un traité et de membres élus dans les régions sans organisation municipale[15]. Ces conseils choisissent eux-mêmes leur présidente ou président et mettent sur pied des comités chargés d’examiner diverses questions comme les finances et le développement économique[16].
Les districts régionaux sont une structure quasi gouvernementale, en ce sens que leurs membres ne sont pas élus directement (sauf dans les régions sans organisation municipale) et qu’ils ont des pouvoirs de réglementation limités. On les qualifie parfois d’organes de coordination plutôt que d’autorités municipales[17]. Il n’en reste pas moins qu’ils sont constitués en personnes morales et possèdent certaines caractéristiques des municipalités, comme le droit de conclure des contrats et de détenir des titres de bien-fonds[18].
Québec
Au Québec, l’organisation municipale est complexe et comporte plusieurs paliers. Les municipalités évoluent à l’intérieur d’une structure à deux paliers, et c’est le palier supérieur, c’est-à-dire la municipalité régionale de comté (MRC), qui est chargé de la prestation de certains services comme la protection contre les incendies et l’aménagement du territoire[19]. Les conseils de MRC ne sont pas élus de façon indépendante, mais sont plutôt composés des maires de chaque municipalité membre[20]. Montréal, Québec et d’autres grandes municipalités sont constituées en « agglomérations », résultats de fusions municipales, qui fournissent certains services et qui sont régies par des conseils d’agglomération, formés des maires des municipalités liées. Le cas de Montréal est particulièrement complexe, car il comporte un autre palier supérieur, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), ainsi que 19 arrondissements au niveau inframunicipal. Chaque palier est responsable de certains services. Par exemple, les arrondissements fournissent des services comme l’enlèvement des matières résiduelles et la délivrance des permis de construire, tandis que la CMM est responsable de l’aménagement du territoire et de la promotion économique au niveau régional[21]. Ce modèle de gouvernance et de prestation de services a parfois donné lieu à des chevauchements et à des conflits de compétence[22].
Certaines provinces ont adopté des lois pour accorder à certaines municipalités des pouvoirs particuliers qui diffèrent de ceux qui leur sont conférés par une loi générale[23]. Parfois appelés « chartes », ces instruments étaient à l’origine accordés aux villes pour qu’elles puissent organiser leurs propres affaires, tenir des marchés et percevoir des impôts, entre autres pouvoirs[24]. Les villes à charte existent partout dans le monde, suivant divers modèles et selon la façon dont la relation entre l’État et les municipalités est traitée dans la Constitution.
Quelques villes canadiennes sont dotées d’une charte, et plusieurs autres sont régies par une loi qui, sans en avoir le nom, joue effectivement le rôle d’une charte. Par exemple, Saint John, Vancouver, Calgary, Edmonton, Lloydminster, Winnipeg et Montréal ont toutes des chartes qui définissent leurs pouvoirs. Toronto, St. John’s et Charlottetown font l’objet de lois provinciales qui leur confèrent des pouvoirs supplémentaires par rapport aux autres municipalités de la province, sans qu’on parle de « charte ». Certaines villes à charte évoluent au sein d’une structure de services régionale (comme Vancouver), d’autres sont des municipalités à palier unique (comme Toronto).
Avec l’augmentation constante des budgets municipaux et l’élargissement de la palette de services qui s’ensuit, certains ont proposé de donner plus d’autonomie aux municipalités en leur accordant une charte. Il n’empêche qu’une charte municipale est une loi provinciale; à ce titre, elle peut être abrogée ou modifiée en tout temps par la province. C’est pourquoi quelques auteurs appellent épisodiquement à enchâsser certains pouvoirs municipaux dans la Constitution[25].
Vancouver
La charte de Vancouver, adoptée en 1953, lui confère un certain nombre de pouvoirs absents de la Community Charter, qui régit toutes les autres municipalités de la province, ou de la Local Government Act, qui crée des districts régionaux. Parmi ces pouvoirs supplémentaires, on compte un plus grand contrôle du développement, assorti de pouvoirs spéciaux de financement en la matière, ainsi que le droit, acquis récemment, de percevoir une taxe spéciale sur les propriétés résidentielles inoccupées[26]. Par ailleurs, la Ville de Vancouver fait partie du district régional du Grand Vancouver, qui offre certains services à l’échelle régionale.
Winnipeg
La Charte de la ville de Winnipeg, adoptée en 2003, donne à la Ville plus d’autonomie qu’aux autres municipalités de la province. Par exemple, Winnipeg est exemptée de l’exigence d’approbation provinciale pour les emprunts de capitaux. Elle dispose également d’un ensemble d’outils fiscaux, dont certaines taxes à la consommation (sur l’électricité et l’essence) et le droit d’établir ses propres catégories de taxe d’entreprise[27].
Toronto
Les pouvoirs de Toronto sont définis dans la Loi de 2006 sur la cité de Toronto. Bien qu’elle ne soit pas appelée « charte », cette loi fonctionne comme les autres chartes canadiennes, en ce sens qu’elle confère à la Ville des pouvoirs spéciaux qui ne sont pas offerts aux autres municipalités de la province, notamment le pouvoir supplémentaire de créer un organisme d’appel pour traiter de questions à l’échelon local, une réglementation commerciale améliorée, et la reconnaissance explicite du pouvoir de la Ville de conclure des ententes avec le gouvernement fédéral. Mais le plus notable, c’est sans doute le champ fiscal cédé à la Ville : droits de cession immobilière, frais d’immatriculation des véhicules et péages routiers, pour ne nommer que ceux-là[28]. Il est important de noter que ces outils supplémentaires ne peuvent être utilisés qu’avec l’approbation de la province. Par exemple, la tentative du Conseil municipal d’adopter un règlement visant à instaurer un péage pour certaines voies publiques a été contrecarrée par la province en 2017[29].
Au cours du xxie siècle, un pourcentage de plus en plus élevé de la population du Canada vivra probablement dans les centres urbains, grands et petits. L’écrasante majorité de l’immigration se canalise vers les milieux urbains et, malgré les possibilités offertes par le télétravail, les jeunes ont toujours été attirés par le dynamisme économique et culturel des villes et autres grands centres. Ainsi, le rôle primordial joué par les municipalités dans la vie de la plupart des Canadiennes et des Canadiens ne peut que croître, tout comme les services attendus des municipalités.
Par ailleurs, les municipalités sont confrontées à de nouveaux problèmes comme l’adaptation aux changements climatiques, les inégalités économiques et l’abordabilité du logement, qui risquent fort de faire éclater les modèles traditionnels de gouvernance et de financement. Devant ce constat, des analystes demandent que l’on accorde plus d’autonomie aux municipalités, par exemple au moyen de chartes, comme celles qui ont été accordées en 2018 à Edmonton et à Calgary, dernières villes en date à recevoir ce privilège. L’Alberta reconnaissait ainsi qu’il fallait donner aux grands centres urbains la souplesse nécessaire pour qu’ils s’acquittent de leurs responsabilités, plutôt qu’adopter une approche uniforme en matière de gouvernance municipale[30]. D’autres estiment qu’il faut plutôt une approche régionale coopérative pour coordonner le transport, l’aménagement du territoire et d’autres services dans les agglomérations urbaines complexes comme la région du grand Toronto et de Hamilton[31]. Par ailleurs, le débat se poursuit sur le statut constitutionnel des municipalités, certaines voix faisant valoir que leur place dans l’ordre constitutionnel doit être assurée, officialisée et reflétée dans les constitutions provinciales ou d’autres instruments[32].
Les municipalités collaborent de plus en plus au sein d’associations provinciales et fédérales (comme l’Association des municipalités du Manitoba) pour trouver des solutions collectives aux problèmes auxquels elles sont confrontées. Des organismes comme le Caucus des maires des grandes villes de la Fédération canadienne des municipalités travaillent en partenariat avec le gouvernement fédéral à « renforcer notre pays […] en renforçant nos villes[33] ». À l’autre extrémité du spectre, les organisations de petites municipalités (ex. : la Rural Ontario Municipal Association) collaborent avec les gouvernements provinciaux pour améliorer les services et le financement de leurs collectivités, qui doivent relever des défis différents de ceux des grands centres.
Les modèles de gouvernance municipale du Canada ont évolué au fil du temps face à l’urbanisation et à la complexité croissante des services de plus en plus nombreux attendus des municipalités. Étant donné le rôle central que ces dernières jouent dans la vie quotidienne des Canadiennes et des Canadiens, il ne fait aucun doute qu’ils continueront d’évoluer et de prendre le virage de la modernité.
Colombie-Britannique
Les 163 municipalités de la Colombie-Britannique, sauf Vancouver, sont régies par la Community Charter. Comme elles sont techniquement à palier unique, elles peuvent coopérer entre elles pour la prestation de certains services relevant d’une structure de districts régionaux. Les districts fournissent également des services comme l’adduction d’eau et la protection contre l’incendie aux secteurs non érigés en municipalité. Les pouvoirs et la structure des districts régionaux sont définis dans la Local Government Act.
Vancouver fait partie du district régional du Grand Vancouver et possède sa propre charte, qui lui confère des pouvoirs supplémentaires, comme un plus grand contrôle du développement, des pouvoirs spéciaux de financement de l’aménagement et la capacité de percevoir une taxe spéciale sur les propriétés résidentielles inoccupées[34].
Alberta
Les 348 municipalités de l’Alberta sont régies par la Municipal Government Act, qui définit trois types de municipalités à palier unique : les municipalités urbaines, les municipalités spécialisées et les districts municipaux. Les municipalités urbaines comprennent des villes, villages et villages estivaux (saisonniers), selon la taille de leur population. Chaque type de municipalité urbaine doit ou peut fournir le même genre de services, mais leur conseil varie en taille et en composition. Par exemple, les villes comptent une mairesse ou un maire ainsi que six conseillères ou conseillers, tandis que les villages en comptent trois, incluant la mairesse ou le maire[35].
Les districts municipaux sont une forme simple d’administrations locales en milieu rural comptant des secteurs non érigés en municipalité, comme des hameaux ou des lotissements ruraux. Les districts municipaux (aussi appelés « comtés » en Alberta) élisent leurs conseillères et conseillers par quartier, de façon semblable aux municipalités urbaines, mais ont moins de pouvoirs. L’Alberta autorise également la création de municipalités spécialisées lorsqu’aucune désignation prévue par la loi ne répond aux besoins des résidentes et résidents de la municipalité proposée[36]. Les municipalités spécialisées combinent souvent des secteurs urbains et ruraux fusionnés en un seul corps administratif.
Saskatchewan
Les 773 municipalités de la Saskatchewan sont régies par les lois suivantes : The Municipalities Act, The Cities Act et The Northern Municipalities Act, 2010. Il s’agit de municipalités à palier unique urbaines ou rurales. Les municipalités urbaines ont des pouvoirs supplémentaires, comme la capacité de déterminer le nombre de conseillères et conseillers. Il y a des villes, villages et hameaux dans le Northern Saskatchewan Administration District (NSAD), qui est responsable de la prestation de services aux secteurs non érigés en municipalité du Nord de la province et est administré par une direction du ministère des Relations gouvernementales.
Manitoba
Les 137 municipalités du Manitoba sont à palier unique. Les plus petites (moins de 750 habitants) ont moins de services à fournir que les plus grandes. Elles sont régies par la Loi sur les municipalités. Le Manitoba a également établi pour Winnipeg, sa plus grande ville et capitale, une charte lui conférant des pouvoirs supplémentaires, dont ceux d’une personne physique.
Ontario
Les 444 municipalités de l’Ontario sont soit à palier unique, soit à deux paliers. Les municipalités de palier supérieur comprennent six régions et 23 comtés. L’Ontario compte également 11 districts, et la municipalité de district de Muskoka est la seule à offrir des services à l’échelle régionale[37]. De nombreuses municipalités à palier unique, comme Toronto, Ottawa et Hamilton, résultent d’une fusion réalisée dans les années 1990. La Loi de 2001 sur les municipalités régit toutes les municipalités, sauf Toronto, qui a sa propre loi habilitante, la Loi de 2006 sur la cité de Toronto, qui lui confère des pouvoirs supplémentaires correspondant à sa taille.
Québec
Les 652 municipalités du Québec font partie d’une structure de gouvernance complexe à deux paliers. Les municipalités régionales de comté (MRC) de palier supérieur fournissent des services régionaux, comme l’aménagement du territoire et la planification des bassins versants, et sont régies par un conseil composé des mairesses et maires des municipalités membres de palier inférieur. Le Québec compte également des communautés métropolitaines et des « agglomérations urbaines », comme Montréal et la ville de Québec, qui sont composées de plus petites municipalités et offrent certains services à l’échelle régionale. Plusieurs municipalités sont aussi divisées en arrondissements dotés d’un conseil élu et offrant certains services à l’échelle locale. Puisque la structure de gouvernance municipale du Québec est complexe, plusieurs textes législatifs sont utilisés pour séparer les pouvoirs et responsabilités entre les différents niveaux, notamment la Loi sur les cités et villes (municipalités urbaines), le Code municipal du Québec (municipalités rurales) ainsi que de nombreuses lois définissant les rôles des municipalités dans certains secteurs.
Nouveau-Brunswick
Les 104 municipalités du Nouveau-Brunswick sont régies par la Loi sur les municipalités dans une structure à palier unique différenciée. La province compte une importante proportion de secteurs non érigés en municipalité par rapport à sa taille. En 2008, ceux-ci représentaient plus de 90 % de sa superficie et contenaient 35 % de sa population[38]. Dans ces secteurs, les districts de services locaux, administrés par la province, fournissent des services de base.
Nouvelle-Écosse
Les 50 municipalités de la Nouvelle-Écosse font partie d’une structure à palier unique différenciée comprenant trois catégories : les municipalités régionales, les villes et les comtés ou municipalités de district[39]. La classification influence principalement le nombre de conseillères et conseillers. Toutes les municipalités sont régies par la Municipal Government Act, à l’exception de la Municipalité régionale d’Halifax (MRH), qui possède sa propre charte. La province compte trois municipalités régionales : Halifax, Cap-Breton et Queens. Cependant, malgré ce que laisse croire le nom, les municipalités régionales ne sont pas des administrations supralocales comptant des municipalités constituantes; il s’agit plutôt de municipalités à palier unique issues d’une fusion. La charte de la MRH confère à cette dernière certains pouvoirs d’application des ressources ainsi que des conseils locaux qui orientent le conseil municipal sur des questions d’intérêt local.
Île-du-Prince-Édouard
Les 59 municipalités de l’Î.-P.-É. font partie d’une structure à palier unique différenciée comprenant trois catégories : les cités, les villes et les municipalités rurales (catégorie déterminée en fonction de la population). La classification influence principalement le nombre de conseillères et conseillers, mais les cités sont aussi propriétaires des rues situées sur leur territoire. Les municipalités sont régies par la Municipal Government Act.
Terre-Neuve-et-Labrador
Les 276 municipalités de Terre-Neuve-et-Labrador font partie d’une structure à palier unique différenciée. La Municipalities Act, 1999 régit toutes les municipalités de la province, sauf Saint John’s, Corner Brook et Mount Pearl, qui ont leurs propres lois. Si Saint John’s bénéficie de pouvoirs supplémentaires d’application des ressources et d’emprunt en vertu de la City of St. John’s Act, les deux autres villes fonctionnent de manière semblable aux autres municipalités de la province, excepté qu’elles ont de plus gros conseils.
Region | Municipalités de palier inférieur | Membres du conseil (prés. incl.) | Présidence | Composition du conseil |
---|---|---|---|---|
Durham |
Town of Ajax Township of Brock Municipality of Clarington City of Oshawa City of Pickering Township of Scugog Township of Uxbridge Town of Whitby |
29 | élus | Mairesses et maires des municipalités de palier inférieur, et conseillères et conseillers directement élus aux conseils à la fois régionaux et locaux |
Halton |
City of Burlington Town of Halton Hills Town of Milton Town of Oakville |
24 | élus | Mairesses et maires des municipalités de palier inférieur, et conseillères et conseillers directement élus aux conseils régionaux |
Niagara |
City of Niagara Falls City of Port Colborne City of St. Catharines City of Thorold City of Welland Town of Fort Erie Town of Grimsby Town of Lincoln Town of Niagara-on-the-Lake Town of Pelham Township of Wainfleet Township of West Lincoln |
32 | nommés | Mairesses et maires des municipalités de palier inférieur, et conseillères et conseillers directement élus aux conseils régionaux |
Peel |
City of Brampton City of Mississauga Town of Caledon |
25 | nommés | Mairesses et maires des municipalités de palier inférieur, et conseillères et conseillers directement élus aux conseils à la fois régionaux et locaux |
Waterloo |
City of Cambridge City of Kitchener City of Waterloo Township of North Dumfries Township of Wellesley Township of Wilmot Township of Woolwich |
16 | élus | Mairesses et maires des municipalités de palier inférieur, et conseillères et conseillers directement élus aux conseils régionaux |
York |
City of Markham City of Richmond Hill City of Vaughan Town of Aurora Town of East Gwillimbury Town of Georgina Town of Newmarket Town of Whitchurch-Stouffville Township of King |
22 | nommés | Mairesses et maires des municipalités de palier inférieur, et conseillères et conseillers directement élus aux conseils à la fois régionaux et locaux |
Notes
[1] Ian Rogers, The Law of Canadian Municipal Corporations, 2e édition (Toronto : Carswell, 2017, feuillets mobiles), vol. 1, p. 46.
[2] Zack Taylor et Alec Dobson, Power and Purpose: Canadian Municipal Law in Transition, Institute on Municipal Finance and Governance, 2020, p. 16.
[3] John Stefaniuk, Municipal Powers and their Limits, Thompson Dorfman Sweatman LLP.
[4] Zachary Spicer et Adam Found, Thinking Regionally: How to Improve Service Delivery in Canada’s Cities, Institut C.D. Howe, 2016.
[5] Saskatchewan, « About the Saskatchewan Municipal System ».
[6] Alberta Urban Municipalities Association, Local Governance: A Short Review of Changes in Various Jurisdictions, p. 3.
[7] Municipal Government Act, par. 208 (1).
[8] Manitoba, Council Members Guide—Once Elected… What is Expected? 2014-2018, 2014, p. 6.
[9] Voir par exemple : Andrew Sancton et Robert Young, éd., Foundations of Governance: Municipal Governance in Canada’s Provinces, University of Toronto Press, 2009, p. 4 et 5.
[10] Loi de 2001 sur les municipalités, L.O. 2001, chap. 25, par. 11 (4) et TABLEAU.
[11] Loi sur la municipalité régionale de Durham, L.R.O. 1990, chap. R.9, art. 6.
[12] Loi sur la municipalité régionale de Waterloo, L.R.O. 1990, chap. R.17, par. 5 (1).
[13] Loi de 2001 sur les municipalités, par. 13 (1).
[14] Loi sur l’aménagement du territoire, L.R.O. 1990, chap. P.13, par. 27 (1).
[15] Colombie-Britannique, « Regional District Powers & Services ».
[16] Union of BC Municipalities, Local Government in BC: A Community Effort, 2015, p. 6.
[17] Zachary Spicer, « Inter-municipal Cooperation, not Amalgamation, the Better Route to Improve Servicing in Canada’s Cities », Institut C.D. Howe, 2016.
[18] Colombie-Britannique, « Regional District Corporate Powers ».
[19] Québec, « L’organisation municipale du Québec ».
[20] Serge Belley et al., Foundations of Governance: Municipal Governance in Canada’s Provinces, University of Toronto Press, 2009, p. 73.
[21] CMM, « Communauté métropolitaine de Montréal ».
[22] Serge Belley et al., Foundations of Governance: Municipal Governance in Canada’s Provinces, University of Toronto Press, 2009, p. 73.
[23] Harry Kitchen, « Is ‘Charter-City Status’ a Solution for Financing City Services in Canada—or is That a Myth? », SPP Research Papers, The School of Public Policy, Université de Calgary, vol. 9, numéro 2, janvier 2016, p. 1. Comparez, par exemple, la Loi de 2001 sur les municipalités, applicable à l’échelle de la province, et la Loi de 2006 sur la cité de Toronto, propre à Toronto.
[24] Encyclopaedia Britannica, « Charter, document ».
[25] Jennifer Pagliaro, « The push to make Toronto more autonomous », Toronto Star, 17 juin 2019; Dylan Reid, « Embedding municipal government in the constitution », 10 juin 2019; et John Michael McGrath, « Giving cities more power is complicated. Protecting their elections isn’t », TVO, 21 septembre 2018.
[26] Vancouver Charter [SBC 1953] chap. 55, parties III, XXVII et XXX.
[27] Harry Kitchen, p. 4.
[28] Loi de 2006 sur la cité de Toronto, L.O. 2006, chap. 11, annexe A, art. 257.
[29] John Rieti, « Mayor Tory decries 'short-sighted' road-toll rejection by province », CBC News, 27 janvier 2017.
[30] Alberta, « City Charters ».
[31] Spicer et Found, Thinking Regionally, Institut C.D. Howe, 2016.
[32] Kristin R. Good, “The Fallacy of the “Creatures of the Provinces” Doctrine: Recognizing and Protecting Municipalities’ Constitutional Status, IMFG, no 46, 2019.
[33] FCM, « Caucus des maires des grandes villes ».
[34] Vancouver Charter, [Lois de la Colombie-Britannique, 1953], chapitre 55, parties III, XXVII et XXX.
[35] Alberta, Types of municipalities in Alberta.
[36] Municipal Government Act, L.R.A. 2000, chapitre M-26, article 83.
[37] Association des municipalités de l’Ontario, Ontario Municipalities.
[38] Nouveau-Brunswick, Bâtir des gouvernements locaux et des régions viables : plan d’action pour l’avenir de la gouvernance locale au Nouveau‑Brunswick, 2008, p. 28.
[39] Municipal Government Act, article 3.