Le point sur les plans provinciaux
Michael Vidoni | Agent de recherche
Service de recherche
On dit que le système d’aménagement du territoire de l’Ontario « repose sur des politiques », autrement dit que la province a un cadre stratégique régissant toutes les décisions d’aménagement. Ces politiques définissent les valeurs et les intérêts qui orientent les décisions d’aménagement à l’échelle locale et provinciale, et favorisent l’uniformité dans la province concernant l’affectation des terres à la conservation et à différentes utilisations. Ce cadre s’articule autour de plans provinciaux établissant les politiques géographiques, plans auxquels toutes les décisions d’aménagement du territoire doivent se conformer. Le présent rapport de recherche fait le point sur les plans provinciaux et leur application aux décisions d’aménagement du territoire.
Les décisions d’aménagement du territoire peuvent avoir des répercussions à long terme sur les économies régionales et sur les milieux de travail et de vie. Cependant, vu l’étendue et la diversité de l’Ontario, il n’est pas toujours possible d’appliquer une solution universelle pour atteindre les objectifs d’aménagement. Les plans provinciaux, qui sont adaptés à certaines régions, ajoutent une spécificité stratégique.
Le présent rapport ne se veut pas exhaustif; il est recommandé aux lecteurs de consulter les plans provinciaux pour en savoir plus. Le corps du texte et l’annexe comprennent des hyperliens vers des plans et des cartes.
Plusieurs textes de loi régissent les décisions d’aménagement en Ontario. L’un des principaux est la Loi sur l’aménagement du territoire, qui fixe un cadre formé de dispositions, de règlements et de déclarations de principes pour promouvoir les intérêts provinciaux dans l’utilisation du territoire. La Loi énumère les questions d’intérêt provincial dont les autorités approbatrices en matière d’aménagement – comme le ministre des Affaires municipales et du Logement, les municipalités et d’autres entités – doivent tenir compte lorsqu’elles décident de l’aménagement du territoire. Ces questions couvrent un large spectre, allant de la protection des écosystèmes et des ressources agricoles à la création de possibilités d’emploi et à la mise en place de logements en passant par la promotion du développement durable[1].
La Déclaration de principes provinciale (DPP) de 2020 est le document stratégique global encadrant l’aménagement en Ontario. Elle fournit une orientation générale sur les moyens de promouvoir les questions d’intérêt provincial dans les décisions d’aménagement, lesquelles doivent, selon la Loi, respecter ses politiques.
La Loi dit que les plans provinciaux ciblent des zones géographiques précises et sont adaptés à des objectifs stratégiques particuliers (ex. : conservation du territoire ou densification de zones bâties). Elle est plus rigoureuse quant à l’application des plans provinciaux, exigeant que les décisions d’aménagement respectent les politiques des plans au lieu de simplement être compatibles avec eux[2]. Cette exigence trouve écho dans la nature plus précise des politiques de ces plans.
Les politiques d’aménagement provinciales sont appliquées par les offices d’aménagement municipal, les conseils d’aménagement locaux, les offices de protection de la nature et d’autres autorités par l’intermédiaire de leurs décisions et approbations, et par l’adoption de politiques ou de textes de loi de portée locale. Cette application est décrite plus en détail ci-dessous.
Les plans provinciaux régissent les décisions d’aménagement dans certaines zones géographiques. Ils prennent différentes formes, allant de documents indépendants (comme le Plan de la ceinture de verdure) à des politiques désignées intégrées à d’autres plans (comme une partie des politiques du Plan de protection du lac Simcoe). Même si les plans provinciaux sont censés s’harmoniser à la DPP et la compléter, ils ont normalement préséance en cas de conflit.
Sont inclus dans la définition de plan provincial de la Loi sur l’aménagement du territoire les documents suivants :
- Le Plan de la ceinture de verdure établi en vertu de l’article 3 de la Loi de 2005 sur la ceinture de verdure;
- Le Plan d’aménagement de l’escarpement du Niagara établi en application de l’article 3 de la Loi sur la planification et l’aménagement de l’escarpement du Niagara;
- Le Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges établi en vertu de l’article 3 de la Loi de 2001 sur la conservation de la moraine d’Oak Ridges;
- Un plan d’aménagement approuvé en vertu de la Loi de 1994 sur la planification et l’aménagement du territoire de l’Ontario;
- Un plan de croissance approuvé en vertu de la Loi de 2005 sur les zones de croissance;
- Une politique désignée au sens de l’article 2 de la Loi de 2008 sur la protection du lac Simcoe;
- Une politique désignée au sens de l’article 3 de la Loi de 2015 sur la protection des Grands Lacs;
- Une politique des Grands Lacs désignée ou une politique sur les menaces importantes au sens que donne à ces termes le paragraphe 2 (1) de la Loi de 2006 sur l’eau saine;
- Un plan ou une politique prescrit qu’établit ou approuve le lieutenant-gouverneur en conseil, un ministre de la Couronne ou un ministère, un conseil, une commission ou un organisme du gouvernement de l’Ontario, ou une disposition prescrite d’un tel plan ou d’une telle politique[3].
Rôle des municipalités dans l’application des politiques provinciales d’aménagement
Même si les politiques provinciales assurent une certaine uniformité du processus décisionnel lié à l’aménagement, des facteurs locaux (ex. : démographie, géographie et économie) guident les municipalités dans leur application desdites politiques. Le principal instrument de planification des municipalités est le plan officiel, qui établit les buts, les objectifs et les politiques d’une collectivité en vue de gérer l’aménagement et la croissance. La Loi sur l’aménagement du territoire fixe les exigences de contenu des plans officiels et exige des municipalités qu’elles révisent ces plans tous les cinq ans pour assurer leur conformité aux politiques et plans provinciaux[4]. La conformité des municipalités aux plans provinciaux est aussi assurée par le ministre des Affaires municipales et du Logement (qui approuve les plans municipaux officiels et leurs modifications) et le mécanisme d’appel géré par le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire[5].
Les municipalités adoptent en outre des règlements d’application des politiques de leurs plans officiels, notamment des règlements de zonage régissant l’utilisation du sol, la densité (ex. : nombre de logements autorisé par hectare), la taille et l’emplacement des structures, etc. Elles peuvent aussi encadrer le lotissement en approuvant la division de grands terrains en petits lots. Il arrive qu’elles exercent un certain contrôle sur la conception des aménagements, notamment par l’approbation des plans d’implantation.
Les règlements municipaux doivent aussi respecter les plans provinciaux et être mis à jour régulièrement pour assurer leur conformité aux plans officiels[6].
Autres autorités approbatrices
Les autorités approbatrices en matière d’aménagement doivent aussi se conformer aux plans provinciaux dans leurs décisions. Voici quelques exemples de ces autorités :
- Les conseils locaux, comme le conseil d’une bibliothèque ou une commission de transport;
- Les conseils d’aménagement, qui ont des fonctions d’approbation de l’aménagement dans certaines municipalités du Nord de l’Ontario et les territoires non érigés en municipalité;
- Un ministre de la Couronne;
- Un ministère, un conseil, une commission ou un organisme du gouvernement, notamment le Tribunal ontarien de l’aménagement du territoire (qui instruit les appels de décisions d’aménagement) [7].
La ceinture de verdure est une zone protégée qui, grosso modo, entoure la région du grand Toronto et de Hamilton. D’une superficie de plus de 800 000 hectares, elle englobe aussi l’escarpement du Niagara et la moraine d’Oak Ridges.
Les zones protégées de l’escarpement et de la moraine sont plus anciennes que la ceinture de verdure (1985 et 2002, respectivement). Lors de son adoption, la Loi de 2005 sur la ceinture de verdure visait à créer un groupe de terres protégées contiguës en instaurant des campagnes protégées pour relier les aires protégées existantes. Le terme « ceinture de verdure » désigne donc une zone protégée par trois plans provinciaux : le Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges, le Plan d’aménagement de l’escarpement du Niagara et le Plan de la ceinture de verdure[8].
Plan d’aménagement de l’escarpement du Niagara (2017)
Le Plan d’aménagement de l’escarpement du Niagara (2017) est le plus ancien plan provincial associé à la ceinture de verdure. Il s’agit d’un règlement pris en application de la Loi sur la planification et l’aménagement de l’escarpement du Niagara adopté en 1985. Selon son libellé, ce plan vise « à préserver l’intégrité de l’escarpement du Niagara et des terres avoisinantes à titre d’environnement naturel continu, et de veiller à ce que seuls soient autorisés dans la région les aménagements compatibles avec cet environnement »[9]. Il contient des politiques limitant les aménagements incompatibles avec la conservation des éléments du patrimoine naturel de l’escarpement, mais cible aussi des zones urbaines déjà peuplées où l’aménagement est autorisé. Ces zones, désignées dans le plan, ne peuvent pas s’étendre dans les zones protégées naturelles et rurales de l’escarpement[10].
D’une superficie de près de 200 000 hectares, le territoire actuellement visé par le Plan s’étend de la rivière Niagara à Tobermory, sur la péninsule Bruce. Le Plan attribue aux différentes zones l’une des sept utilisations du sol, chacune assortie d’un ensemble de politiques régissant l’aménagement, les mesures de contrôle connexes et la protection des éléments du patrimoine naturel.
L’escarpement du Niagara est unique : il a une autorité d’aménagement indépendante, la Commission de l’escarpement du Niagara, qui peut approuver ou rejeter les demandes de permis d’aménagement ou recommander la modification du Plan d’aménagement au Conseil des ministres[11]. Siègent à cette commission 17 personnes nommées par ordonnance du conseil, soit neuf membres du public et huit représentantes et représentants de conseils municipaux locaux.
Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges (2017)
La moraine d’Oak Ridges est une crête de forme irrégulière qui s’étend sur environ 160 kilomètres au nord de Toronto, de l’escarpement du Niagara à la rivière Trent. Séparant les bassins versants du lac Ontario de ceux de la baie Georgienne, elle a une superficie de quelque 190 000 hectares. Elle comporte d’importants éléments du patrimoine naturel, notamment une capacité de recharge des eaux souterraines et d’écoulement de l’eau conférée par ses gisements de sable, de silt et de gravier[12].
Le Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges a été adopté en avril 2002, sous forme de règlement d’application de la Loi de 2001 sur la conservation de la moraine d’Oak Ridges. Sa plus récente mouture date de 2017.
Ce plan établit quatre désignations d’utilisation des terres régissant entre autres l’aménagement du territoire, l’extraction d’agrégats, et les utilisations agricoles et récréatives. De plus, il désigne des éléments clés du patrimoine naturel, des éléments hydrologiques clés sensibles et des zones très sensibles à la pollution de l’aquifère[13], tout en établissant un cadre stratégique de protection en interdisant ou en limitant l’aménagement de ces zones et éléments. Il instaure aussi des zones de conservation du relief où l’aménagement doit avoir peu d’incidence sur la topographie[14].
La moraine d’Oak Ridges n’a pas d’organisme de réglementation s’apparentant à la Commission de l’escarpement du Niagara; les décisions d’aménagement sont plutôt prises par la municipalité locale. Le Plan de conservation prescrit la manière dont les politiques municipales doivent concrétiser ses objectifs. Par exemple, il exige que les plans officiels locaux déterminent les zones de protection de tête de puits et les politiques connexes nécessaires[15]. Par ailleurs, les municipalités locales doivent préparer des plans de gestion du bassin hydrographique qui fixent un cadre d’évaluation, de préservation et de surveillance des bassins versants. Le Plan interdit également aux municipalités d’approuver des projets d’aménagement majeurs quand le demandeur n’a pas prouvé l’adoption de mesures de protection adéquates pour les éléments hydrologiques sensibles indiqués dans les plans de gestion du bassin hydrographique[16].
Plan de la ceinture de verdure (2017)
Adopté par le Conseil des ministres en vertu de la Loi de 2005 sur la ceinture de verdure, le Plan de la ceinture de verdure (2017) limite de manière générale l’aménagement dans le territoire concerné. Il est parfois considéré comme un contrepoint du Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe (sur lequel vous trouverez plus d’information ci-dessous). Le Plan de la ceinture de verdure protège les terres agricoles, les ressources en eau et les éléments du patrimoine naturel contre l’aménagement incompatible au moyen de diverses politiques de détermination des éléments du patrimoine naturel à protéger, des restrictions associées à certains types d’utilisations du sol et des limites à la création de lots par morcellement ou lotissement, entre autres.
La ceinture de verdure s’est agrandie en 2017 avec l’ajout de 21 vallées fluviales urbaines et de 7 milieux humides côtiers[17]. En février 2021, la province a annoncé qu’elle mènerait des consultations sur de nouvelles expansions, notamment par l’annexion de la moraine de Paris Galt et d’autres zones. Elle a apporté plusieurs ajustements techniques mineurs aux limites de la ceinture de verdure, ce qui s’est traduit, en 2017, par le retrait d’environ 150 hectares[18].
Le Plan de la ceinture de verdure définit les zones de peuplement, les parcs, les espaces ouverts, les vallées fluviales urbaines et les systèmes agricoles ou naturels. Il les divise ensuite au moyen de désignations géographiques autorisant uniquement certaines utilisations. Une des principales fonctions de ce plan est de restreindre l’expansion des zones de peuplement dans le système du patrimoine naturel (secteurs présentant la plus forte concentration en fonctions ou éléments naturels sensibles ou importants) ou les zones de cultures spéciales (comme le marais Holland)[19].
Les plans de croissance, qui sont publiés en application de la Loi de 2005 sur les zones de croissance, sont des plans provinciaux régissant la gestion de la densité en logements et en emplois en Ontario. Deux plans de ce genre ont été approuvés par le Conseil des ministres : un pour la région élargie du Golden Horseshoe, l’autre pour le Nord de l’Ontario. Même si les caractéristiques géographiques des régions ciblées sont très différentes, ces plans ont un point commun : ils misent sur la croissance pour assurer le développement économique et communautaire et pour planifier l’investissement dans l’infrastructure.
Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe (2020)
En plein essor : plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe (2020) est un important document stratégique qui oriente l’aménagement dans la région du grand Toronto et de Hamilton en fonction des projections de croissance démographique jusqu’en 2051. Ce plan favorise une utilisation efficace du sol en assurant une coordination des secteurs du logement et de l’emploi ainsi que des investissements dans le transport en commun et d’autres infrastructures pour créer des aménagements compacts, et demande aux municipalités de densifier sur leur territoire les zones de peuplement, soit les secteurs où se trouve déjà une combinaison d’utilisations résidentielles et d’emploi, ou dont la croissance est prévue sur un horizon de planification à long terme[20]. Les zones de croissance stratégiques situées dans des zones de peuplement sont les secteurs que l’on prévoit densifier; elles comprennent des centres de croissance urbaine (définis par la province dans le plan de croissance) et des zones de grande station de transport en commun (où des installations de transport en commun de niveau supérieur sont projetées ou existent déjà)[21]. Le Plan limite en outre l’aménagement des terrains sensibles environnementalement et exige notamment que les municipalités recensent et protègent les ressources en eau, les éléments du patrimoine naturel et les ressources agricoles de valeur.
Une des fonctions phares du Plan est de fixer des objectifs de densité que les municipalités doivent atteindre dans les « centres de croissance urbaine », selon leur taille. Par exemple, les centres de croissance urbaine de Toronto doivent accueillir une combinaison de 400 résidents et emplois par hectare. Des cibles inférieures sont définies pour les municipalités plus petites, comme Brampton et Peterborough (200 et 150 résidents et emplois par hectare, respectivement)[22]. De plus, à proximité des grandes stations de transport en commun (existantes ou projetées), les municipalités se font imposer d’autres objectifs de densité selon le mode de transport (ex. : métro, train léger)[23].
Le Plan fixe également des objectifs de densification exigeant que les municipalités poussent les projets d’aménagement vers des secteurs déjà aménagés (qu’on appelle des « zones bâties délimitées »). Par exemple, 50 % des projets d’aménagement résidentiel doivent être dans certaines zones bâties délimitées[24]. Les municipalités à faible densité ont une plus grande marge de manœuvre pour déterminer leurs objectifs de densification[25].
Par ailleurs, le Plan impose aux municipalités des exigences relativement aux méthodes d’aménagement des zones incultes situées hors de leurs zones bâties délimitées (ex. : les organiser en collectivités complètes et atteindre des objectifs de densité plus modestes)[26].
Plan de croissance du Nord de l’Ontario (2011)
Le Plan de croissance du Nord de l’Ontario, approuvé par le Conseil des ministres en 2011, est un plan de 25 ans s’appliquant à tout le Nord de l’Ontario, des districts de Parry Sound et de Nipissing à la baie d’Hudson. Il « est à la fois un plan de développement économique, un plan d’investissements dans les infrastructures, un plan pour le marché du travail et un plan d’aménagement du territoire », et est moins prescriptif que le Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe[27]. Il n’impose pas d’objectifs de densité ou de densification, mais favorise plutôt des utilisations du sol compactes et diversifiées dans le Grand Sudbury et à North Bay, Sault Ste. Marie, Thunder Bay et Timmins[28]. Il encadre en outre le développement économique et communautaire, l’éducation, la santé et l’aménagement sur les territoires autochtones[29].
La Loi de 1994 sur la planification et l’aménagement du territoire de l’Ontario donne au Conseil des ministres le pouvoir de publier des plans d’aménagement servant à guider l’aménagement des terres appartenant en majeure partie à l’État ou que l’on prévoit transférer pour des projets d’aménagement privés. Le Conseil des ministres a publié deux plans de ce genre : le Plan d’aménagement de la ceinture ouest de promenades et le Plan d’aménagement du Centre de Pickering (2012).
Plan d’aménagement de la ceinture ouest de promenades
Le Plan d’aménagement de la ceinture ouest de promenades remonte à 1978, moment où l’on a réservé un ensemble de terres linéaires reliées « à la création d’un couloir de service à usages multiples, à la séparation entre les villes et à l’aménagement d’un réseau d’espaces libres » autour de Toronto et de certaines municipalités voisines[30]. Ce territoire se compose en majeure partie d’infrastructures linéaires, comme des routes, des corridors de transmission électrique et des parcs et espaces ouverts publics. Il n’est pas assujetti aux politiques sur le système agricole du Plan de la ceinture de verdure, mais celles sur le système naturel, les parcs, les espaces ouverts et les sentiers s’appliquent[31]. Le Plan a été modifié à maintes reprises depuis son adoption[32].
Plan d’aménagement du Centre de Pickering
Le Plan d’aménagement du Centre de Pickering, approuvé par le Conseil des ministres en 2006 et mis à jour en 2012, cible des terres du nord-ouest de Pickering, notamment des portions des terres de Seaton expropriées pour la construction d’un aéroport dans les années 1970, et la Réserve agricole de Duffins-Rouge. Il découle en partie d’un échange de terres avec des promoteurs propriétaires de terrains dans la moraine d’Oak Ridges, où l’aménagement venait d’être interdit[33]. Dans le cadre du Transfert des terres de Seaton, plus de 900 hectares de terres de la moraine ont été cédés à la Couronne en 2007 en échange de parcelles aménageables dans les limites du territoire du Plan d’aménagement du Centre de Pickering[34].
Le Plan d’aménagement du Centre de Pickering prévoit la création de 15 quartiers urbains compacts comptant différentes utilisations résidentielles, polyvalentes et d’emploi pour les futurs résidents, tout en conservant des forêts, des champs et des cours d’eau. Il sert à protéger les terres agricoles à fort rendement et à promouvoir des utilisations du sol à des fins agricoles dans la Réserve agricole de Duffins-Rouge[35]. Pour assurer l’atteinte de ses objectifs, il exige que la municipalité mène plusieurs études sur les terres qu’il vise, ce qui comprend la préparation d’un plan directeur de viabilisation écologique, d’une étude sur la gestion du système du patrimoine naturel et de plans détaillés des quartiers[36].
En plus des plans susmentionnés, la Loi sur l’aménagement du territoire accorde à certaines « politiques désignées » la même force que les plans provinciaux, et les décisions d’aménagement doivent donc les respecter. Il s’agit, par exemple, de politiques adoptées aux termes de la Loi de 2008 sur la protection du lac Simcoe et de la Loi de 2015 sur la protection des Grands Lacs. Certaines politiques énoncées dans des plans de protection des sources, établis en vertu de la Loi de 2006 sur l’eau saine, jouissent aussi de la même force que les plans provinciaux.
Loi de 2008 sur la protection du lac Simcoe
Le Plan de protection du lac Simcoe (2009), approuvé en vertu de la Loi de 2008 sur la protection du lac Simcoe, vise notamment à « protéger, améliorer et rétablir la santé de l’écosystème du lac Simcoe et de son bassin versant ». Il n’est pas considéré comme un plan provincial selon la Loi sur l’aménagement du territoire, mais celle-ci accorde aux politiques désignées du Plan la même force qu’un plan provincial. Par exemple, le Plan comporte une politique désignée interdisant la construction de stations non municipales d’épuration des eaux d’égout dans le bassin hydrographique, sauf à certaines conditions[37]. Par extension, quand les municipalités prennent des décisions concernant ces stations (ex. : délivrance de permis de construire ou modification des règlements de zonage), elles doivent se conformer à la politique désignée en assurant le respect des conditions avant d’approuver la construction. Cependant, le Plan contient aussi des politiques non désignées, dont les autorités d’aménagement doivent « tenir compte », sans nécessairement les respecter à la lettre, ainsi que des « mesures stratégiques » que les municipalités locales sont invitées à prendre pour protéger le bassin hydrographique[38].
Loi de 2015 sur la protection des Grands Lacs
La Loi de 2015 sur la protection des Grands Lacs vise « à protéger et à rétablir la santé écologique du bassin » des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, tout en incitant le public à y mettre du sien[39]. Elle autorise les organismes publics à proposer des « initiatives » de protection des Grands Lacs à l’approbation du ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et des Parcs[40]. Ces initiatives peuvent recenser des politiques désignées, qui se voient conférer la même force que les plans provinciaux[41].
Loi de 2006 sur l’eau saine
La Loi de 2006 sur l’eau saine encadre la protection des « sources existantes et futures d’eau potable »[42]. Elle impose différentes obligations, notamment que les offices de protection de la nature préparent des plans de protection des sources énonçant les politiques de protection des sources existantes et futures d’eau potable[43]. Ces plans peuvent, par exemple, établir des « politiques des Grands Lacs désignées » et des « politiques sur les menaces importantes », deux types de politiques considérés comme des plans provinciaux aux termes de la Loi sur l’aménagement du territoire[44]. Par exemple, une politique sur les menaces importantes figurant dans le plan de protection des sources de la vallée de la Credit, de Toronto et de sa région et du lac Ontario Centre, interdit la création de sites de stockage de déchets dans certaines zones sensibles où ils pourraient menacer grandement l’eau potable[45].
Les décisions d’aménagement du territoire ont une vaste portée et des répercussions à long terme parfois imprévues. Le fait de sélectionner un site pour une infrastructure de transport, ou d’encourager l’aménagement de certains terrains tout en limitant l’aménagement ailleurs, aura une incidence sur la manière dont les gens travaillent et vivent et sur l’orientation des investissements. Le cadre d’aménagement de l’Ontario, qui repose sur des politiques, vise à assurer l’uniformité des décisions d’aménagement tout en faisant progresser les questions d’intérêt provincial. C’est en raison de la diversité de sa géographie, de son économie et sa démographie que l’Ontario a adopté une approche plus adaptée géographiquement pour atteindre ses objectifs, surtout ceux énoncés dans les plans provinciaux. Néanmoins, les plans provinciaux ne peuvent pas prévoir tous les résultats, les projets d’aménagement ou les grandes forces façonnant les économies régionales, et leur application à l’échelle municipale, en fonction des conditions locales, peut nuancer davantage les politiques provinciales.
Par ailleurs, les plans provinciaux, vu leur dimension politique, ne sont pas à l’abri de la controverse. D’aucuns estiment que la ceinture de verdure, par exemple, limite les terrains disponibles, ce qui peut influencer l’offre de logements ou l’abordabilité de ces derniers[46]. Un rapport récent critiquait la méthode de préparation des projections de croissance du Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe et remettait en cause les critères de réussite[47]. Le projet d’expansion des infrastructures d’égouts de la région de York, qui visait à les adapter aux prévisions démographiques du plan de croissance, a suscité la controverse en raison de ses répercussions potentielles sur le lac Simcoe ou la moraine d’Oak Ridges, ce qui illustre comment les plans provinciaux peuvent se colleter avec des objectifs parfois concurrents[48].
Ces critiques sont peut-être un sous-produit inévitable de tout cadre stratégique exhaustif, et les plans provinciaux continuent d’évoluer avec la situation et selon les résultats. Par exemple, il est obligatoire de réviser le Plan de la ceinture de verdure tous les 10 ans pour tester son efficacité et de mettre à jour les projections des plans de croissance tous les cinq ans en consultation avec les municipalités[49]. Les municipalités, quant à elles, doivent revoir leurs politiques d’aménagement tous les cinq ans pour les harmoniser à celles de la province.
Depuis l’adoption du Plan d’aménagement de la ceinture ouest de promenades en 1978, les plans provinciaux prennent de plus en plus de place dans le cadre d’aménagement de l’Ontario. Ils orientent la façon dont la population ontarienne vit et travaille, et illustrent l’évolution de l’importance attachée à l’utilisation du sol et à la conservation ces quarante dernières années. Les legs des plans provinciaux sont manifestes dans les modèles d’aménagement et les réseaux de transport de la province, et continueront de faire sentir leurs effets pendant bien longtemps encore.
Plan provincial |
Loi habilitante |
Version la plus récente |
Territoire visé par le plan |
Plan de la ceinture de verdure (2017) |
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Plan d’aménagement de l’escarpement du Niagara (2017) |
Loi sur la planification et l’aménagement de l’escarpement du Niagara |
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Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges (2017) |
Zone du Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges (2017) |
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Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe (2020) |
Zone du Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe (2020) |
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Plan de croissance du Nord de l’Ontario (2011) |
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Plan d’aménagement de la ceinture ouest de promenades (1978) |
Loi de 1994 sur la planification et l’aménagement du territoire de l’Ontario |
Zone du Plan d’aménagement de la ceinture ouest de promenades |
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Plan d’aménagement du Centre de Pickering (2012) |
Loi de 1994 sur la planification et l’aménagement du territoire de l’Ontario |
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Politiques désignées aux termes de la Loi de 2008 sur la protection du lac Simcoe |
Notes
* Ce tableau ne répertorie pas les politiques désignées ni les politiques sur les menaces importantes adoptées en vertu de la Loi de 2006 sur l’eau saine ou de la Loi de 2015 sur la protection des Grands Lacs.
[1] Loi sur l’aménagement du territoire, L.R.O. 1990, chapitre P.13, article 2. Selon la Loi, les entités « tiennent compte » des questions d’intérêt provincial.
[2] Ibid., paragraphe 3 (5).
[3] Ibid., article 1. L’article 70.1 confère au ministre des Affaires municipales et du Logement le pouvoir de prescrire, par règlement, que « des plans ou des politiques et des dispositions de tels plans ou de telles politiques » constituent des plans provinciaux. Ce vaste pouvoir ne semble pas faire partie des règlements d’application de la Loi qui sont en vigueur.
[4] Ibid., paragraphe 26 (1.1).
[5] Ibid., paragraphe 17 (1). Ce sont les municipalités de palier supérieur qui approuvent les plans officiels des municipalités de palier inférieur. Certaines municipalités ne sont pas tenues de faire approuver la modification de leur plan officiel par le ministre.
[6] Ibid., paragraphe 26 (9).
[7] Ibid., paragraphe 3 (5).
[8] Règlement de l’Ontario 59/05 (Désignation de la zone de la ceinture de verdure), paragraphe 1 (1).
[9] Plan d’aménagement de l’escarpement du Niagara (2017), page 7.
[10] Ibid., politique 1.7.
[11] La Commission de l’escarpement du Niagara délivre des permis d’aménagement pour les zones contrôlées désignées aux termes du Règlement 826, R.R.O. 1990.
[12] Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges (2017), page 1.
[13] Selon la Loi de 2006 sur l’eau saine, un aquifère hautement vulnérable se définit comme suit : « Aquifère sur lequel des sources externes ont ou auront vraisemblablement un effet préjudiciable important. S’entend en outre des terres situées au-dessus de celui-ci. »
[14] Règlement de l’Ontario 140/02 (Plan de conservation de la moraine d’Oak Ridges), article 30.
[15] Ibid., paragraphe 42 (1). Selon la Loi de 2006 sur l’eau saine, une zone de protection des têtes de puits se définit comme suit : « Zone qui se rapporte à une tête de puits et dans laquelle il est souhaitable de réglementer ou de surveiller les menaces pour l’eau potable. »
[16] Ibid., paragraphe 24 (4).
[17] Greenbelt Foundation, page « History of the Greenbelt ».
[18] Gouvernement de l’Ontario, Proposition de modification du Règlement sur la désignation de la zone de la ceinture de verdure (10 mai 2016).
[19] Plan de la ceinture de verdure (2017), politique 3.4.5. Les expansions des zones de peuplement sont aussi restreintes par des limites d’infrastructure.
[20] En plein essor : plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe, politique 2.2.1.
[21] Ibid., définitions.
[22] Ibid., politique 2.2.3.
[23] Ibid., politique 2.2.4. Le ministre peut approuver des objectifs de densité moins élevés dans certains cas. Voir la politique 2.2.4.
[24] Ibid., politique 2.2.2. Sont visées les municipalités de Barrie, Brantford, Guelph, Hamilton, Orillia et Peterborough, et les régions de Durham, Halton, Niagara, Peel, Waterloo et York. Soulignons que Toronto ne fait pas partie de cette liste, car son territoire est entièrement aménagé; par conséquent, tout aménagement subséquent serait considéré comme de la densification.
[25] On parle des comtés de Brant, Dufferin, Haldimand, Northumberland, Peterborough, Simcoe et Wellington.
[26] En plein essor : plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe, politique 2.2.7.
[27] Plan de croissance du Nord de l’Ontario (2011), section « Préambule ».
[28] Ibid., politique 4.4.
[29] Ibid., article 7.
[30] Ministère des Affaires municipales et du Logement, Plan d’aménagement de la ceinture ouest de promenades.
[31] Plan de la ceinture de verdure (2017), politique 2.3.
[32] Au moment de la rédaction du présent document, il n’existait aucune version consolidée du Plan, y compris ses modifications.
[33] Région de York, rapport 4 du Planning and Economic Development Committee, (27 avril 2006).
[34] Gouvernement de l’Ontario, Transfert des terres de Seaton. Voir aussi l’article « Seaton land exchange complete » dans Oshawa This Week (28 août 2007).
[35] Plan d’aménagement du Centre de Pickering (2012), article 2. La réserve est une zone composée de terres agricoles à fort rendement qui était protégée par des servitudes de conservation avant l’adoption de la Loi de 2005 sur la ceinture de verdure.
[36] Ibid., article 3.2.
[37] Plan de protection du lac Simcoe (2009), politique 4.4-DP.
[38] Ibid., page 6.
[39] Loi de 2015 sur la protection des Grands Lacs, L.O. 2015, chapitre 24, article 1.
[40] Ibid., partie V. Les organismes publics comprennent les municipalités, les conseils locaux, les offices de protection de la nature, les ministères, et les organismes et commissions de la Couronne.
[41] Ibid., paragraphe 19 (4).
[42] Loi de 2006 sur l’eau saine, L.O. 2006, chapitre 22, article 1.
[43] Ibid., chapitre 22, paragraphe 22 (1).
[44] Ibid., article 2 et paragraphe 22 (4). Les politiques sur les menaces importantes répertorient et réduisent les dangers pour l’eau potable.
[45] Comité de protection des sources de la vallée de la Credit, de Toronto et sa région et du lac Ontario Centre, Approved Source Protection Plan: CTC Source Protection Region, politique WST-5.
[46] John Ibbitson, « There may be an answer to the housing crisis – let cities sprawl », TheGlobe and Mail, 10 janvier 2022.
[47] Institut pour l’IntelliProspérité, Forecast for Failure: How a Broken Forecasting System is at the Root of the GTAH’s Housing Shortage and How it Can be Solved (janvier 2022).
[48] John Michael McGrath, « The Ford government just froze one of the GTA’s biggest sewage projects. Why? », TVO, 8 juin 2021.
[49] Plan de la ceinture de verdure (2017), politique 5.5; Plan de croissance de la région élargie du Golden Horseshoe (2020), politique 2.1.