Projet de loi 69 2004
Loi visant à empêcher
la diffusion sur Internet
de messages non sollicités
Préambule
Internet est une ressource nationale et internationale de grande valeur dans les domaines de la communication, de l'éducation et de la recherche ainsi que pour la conduite des affaires.
D'énormes volumes de messages non sollicités compromettent l'utilité et l'efficacité d'Internet et constituent ainsi une nuisance et une perte de temps.
Bon nombre de ces messages contiennent ou offrent du matériel pornographique, encouragent des activités illégales ou sollicitent ou offrent des biens ou services qui n'intéressent aucunement les destinataires.
Il existe des moyens pour lutter contre les messages indésirables.
En raison de la nature d'Internet, la coopération des gouvernements entre eux et avec les associations de l'industrie est requise pour contrôler le flux de ces messages.
Pour ces motifs, sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement de l'Assemblée législative de la province de l'Ontario, édicte :
Définitions
1. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«adresse» Adresse où un courriel peut être envoyé en Ontario. («address»)
«avis anti-pourriel» Avis donné par le propriétaire d'une adresse en Ontario dans lequel il demande de n'envoyer aucun pourriel à cette adresse. («no-spam notice»)
«courriel» Message qu'un expéditeur envoie par Internet à une ou plusieurs personnes en Ontario. («e-mail»)
«filtre anti-pourriel» Système de filtrage automatisé établi par un fournisseur de services Internet afin d'analyser les messages reçus, qui :
a) d'une part, assure la confidentialité du contenu des messages et n'en révèle aucun élément au fournisseur ou à d'autres personnes;
b) d'autre part, évalue chaque message reçu pour déterminer s'il s'agit d'un pourriel et ce, à l'aide de facteurs qui peuvent comprendre les suivants :
(i) le message contient des mots ou images communément utilisés dans les pourriels,
(ii) il contient des mots ou images communément utilisés dans la pornographie,
(iii) il a été envoyé par une personne ou un site figurant sur une liste des personnes ou des sites dont on sait qu'ils expédient du pourriel,
(iv) l'expéditeur du message n'est pas identifié au moyen d'une adresse valide,
(v) le destinataire prévu du message n'est pas identifié correctement et personnellement ou est identifié comme membre d'une catégorie de destinataires d'un message,
(vi) l'expéditeur est une personne avec qui le destinataire prévu du message n'a jamais communiqué auparavant par l'entremise du fournisseur,
(vii) l'expéditeur est une personne à qui le destinataire prévu du message a envoyé un message anti-pourriel,
(viii) le message semble offrir des biens ou services et ne donne pas au destinataire prévu la possibilité d'envoyer un message anti-pourriel,
(ix) l'expéditeur est ou est présenté comme étant l'agent d'une personne qui a déposé une liste d'agents autorisés conformément à l'article 5 et il ne figure pas sur cette liste. («spam filter»)
«fournisseur de services Internet» ou «fournisseur» Personne qui fournit un service permettant au public d'avoir accès à Internet. («Internet service provider», «provider»)
«Internet» Le réseau de communication électronique mondial qui est désigné comme tel. («Internet»)
«liste anti-pourriel» La liste prévue à l'article 4. («no-spam list»)
«message anti-pourriel» Directive du propriétaire d'une adresse qui est :
a) soit adressée à l'expéditeur d'un message pour l'informer qu'il ne doit plus envoyer de messages à cette adresse;
b) soit adressée à l'expéditeur d'un message qui envoie le message au nom d'une autre personne, afin de l'informer qu'il doit aviser cette dernière de ne plus envoyer de messages à cette adresse. («opt-out message»)
«ministre» Le ministre des Services aux consommateurs et aux entreprises. («Minister»)
«pourriel» Un ou plusieurs messages non sollicités envoyés et reçus sur Internet, à l'exception des messages qu'une personne envoie à une autre personne avec qui elle a des relations commerciales ou personnelles. («spam»)
Consultations intergouvernementales
2. (1) Le ministre procède à des consultations avec des représentants des gouvernements fédéral et provinciaux aux fins suivantes :
a) partager de l'information sur les moyens de contrôler les pourriels et sur les personnes reconnues comme expéditeurs de pourriels;
b) trouver de nouvelles façons de contrôler et de restreindre le flux de pourriels;
c) collaborer aux activités d'application de la loi destinées à lutter contre l'utilisation d'Internet à des fins illégales ou l'envoi de pourriels.
Rapport annuel
(2) Le ministre établit un rapport des activités visées au paragraphe (1) pour chaque année, le présente au lieutenant-gouverneur en conseil et le dépose devant l'Assemblée si elle siège. Si elle ne siège pas, il le dépose à la session suivante.
Renvoi au comité
(3) Le rapport déposé devant l'Assemblée est réputé être renvoyé au comité permanent de celle-ci normalement chargé de traiter des questions relevant de la compétence du ministre.
Consultation auprès des membres de l'industrie
3. (1) Le ministre procède à des consultations auprès de l'Association canadienne des fournisseurs Internet aux fins suivantes :
a) obtenir des conseils de l'Association sur les questions concernant le service au public par l'entremise d'Internet, y compris la prévention de l'utilisation abusive d'Internet ainsi que le contrôle et la réduction des pourriels;
b) déterminer comment le ministre peut aider de la meilleure façon l'Association à représenter les intérêts des clients des fournisseurs afin de contrôler et de réduire les pourriels;
c) créer et approuver des filtres anti-pourriel ou d'autres modes de contrôle des pourriels.
Idem
(2) Le ministre peut consulter d'autres organismes ou organisations, selon ce qu'il estime approprié, aux fins énoncées au paragraphe (1).
Liste anti-pourriel
4. (1) Dans les 180 jours qui suivent l'entrée en vigueur de la présente loi, le ministre établit une liste anti-pourriel qu'il tient à jour par la suite.
Dépôt d'un avis
(2) Tout propriétaire d'une adresse peut déposer un avis anti-pourriel auprès du ministre selon les modalités établies par celui-ci.
Vérification préalable
(3) Il est interdit à quiconque d'envoyer un pourriel à une adresse à moins qu'il n'ait vérifié, auprès du ministre ou de l'organisme à qui le ministre a délégué ses responsabilités aux termes du présent article, que l'adresse ne figure pas sur la liste anti-pourriel.
Moyens de vérification
(4) Le ministre établit un moyen électronique permettant aux intéressés de faire la vérification prévue au paragraphe (3).
Aucune adresse fournie
(5) Le moyen électronique visé au paragraphe (4) ne peut fournir aucune adresse à la personne qui fait la vérification.
Confidentialité
(6) La liste anti-pourriel n'est pas un document public et le ministre ne peut divulguer à quiconque l'identité ou l'adresse des personnes qui déposent un avis anti-pourriel.
Liste des agents
5. Quiconque autorise un agent à envoyer un courriel en son nom doit aviser le ministre sans délai :
a) du nom de l'agent autorisé;
b) si l'autorisation est révoquée, de la date de la révocation.
Délégation à un autre organisme
6. Le ministre peut déléguer les responsabilités qui lui incombent aux termes des articles 4 et 11 à tout organisme, conseil ou commission du gouvernement de l'Ontario qui relève de lui.
Infractions - expéditeurs de courriels
7. Commet une infraction quiconque :
a) envoie à une adresse un pourriel sans l'indiquer comme tel;
b) envoie un pourriel à une adresse :
(i) soit qui figure sur la liste anti-pourriel,
(ii) soit dont le propriétaire a envoyé à l'expéditeur ou à son agent un message anti-pourriel;
c) envoie un pourriel à une adresse sans s'assurer que celle-ci ne figure pas sur la liste anti-pourriel;
d) envoie un pourriel qui ne donne pas au destinataire la possibilité d'envoyer un message anti-pourriel;
e) envoie un pourriel qui n'indique pas l'adresse de l'expéditeur;
f) envoie un pourriel qui offre des biens ou services au nom d'une autre personne sans indiquer l'identité de cette personne;
g) envoie un pourriel qui offre des biens ou services et contient une fausse déclaration au sujet de ces biens ou services ou au sujet de l'identité ou de l'adresse de l'expéditeur ou d'une autre personne pour laquelle ce dernier agit;
h) vend, échange, offre de vendre ou d'échanger, ou recueille ou obtient par tout moyen des adresses Internet en vue de permettre à une personne d'envoyer des pourriels à ces adresses.
Peines
8. (1) Quiconque commet une infraction prévue à l'article 7 est passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 5 000 $.
Peines plus sévères dans certains cas
(2) Quiconque commet une infraction prévue à l'un des alinéas 7 a) à g) est passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 10 000 $ et d'un emprisonnement maximal de deux ans, ou de l'une seule de ces peines, si le pourriel contient l'un ou l'autre des éléments suivants :
a) de la pornographie juvénile au sens de l'article 163.1 du Code criminel (Canada);
b) une représentation d'une activité sexuelle explicite;
c) une tentative de frauder le destinataire.
Enfants
(3) Quiconque commet une infraction visée au paragraphe (2) est passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 20 000 $ et d'un emprisonnement maximal de deux ans, ou de l'une seule de ces peines, s'il est démontré que le pourriel, selon le cas :
a) était conçu pour attirer spécifiquement les enfants;
b) visait un établissement d'enseignement autre qu'un établissement d'enseignement post-secondaire;
c) était destiné à une adresse où l'expéditeur avait des motifs de croire que des enfants pourraient vraisemblablement voir le pourriel.
Interdiction d'exploiter une entreprise
(4) Le tribunal peut interdire à la personne déclarée coupable d'une infraction visée au paragraphe (2), et doit interdire à la personne déclarée coupable d'une infraction visée au paragraphe (3), pour une période maximale de cinq ans :
a) d'être propriétaire, administrateur, associé, employé ou actionnaire d'un fournisseur de services Internet;
b) de communiquer par courriel avec toute personne dans un but commercial.
Administrateurs : peine
(5) Si une personne morale ou une société de personnes est déclarée coupable d'une infraction visée au présent article, le tribunal peut, outre toute amende qui lui est imposée, déclarer coupable de la même infraction toute personne qui en est un administrateur, un associé ou un dirigeant s'il conclut que la personne a ordonné l'acte pour lequel la personne morale ou la société de personnes a été déclarée coupable, ou qu'elle a toléré que l'acte soit posé.
Présomption
9. Pour l'application de l'article 7, si une personne, où qu'elle se trouve, est à l'origine d'un pourriel qui peut être reçu en Ontario et que reçoit une autre personne en Ontario :
a) la personne à l'origine du pourriel est réputée l'avoir envoyé à l'autre personne, qu'elle ait eu ou non l'intention expresse que cette autre personne le reçoive et que le message ait son origine en Ontario ou ailleurs;
b) le message est réputé provenir de l'Ontario.
Non-responsabilité des fournisseurs qui refusent leurs services à un expéditeur
10. (1) Le fournisseur de services Internet qui refuse ou annule ses services ou l'accès à une personne qui a commis une infraction à la présente loi ou qui a, plus d'une fois, envoyé au fournisseur un message qui donne à ce dernier des motifs raisonnables de croire qu'il s'agit de pourriel n'est pas responsable des pertes ou des dommages-intérêts découlant du refus ou de l'annulation.
Motifs raisonnables
(2) Le fournisseur a des motifs raisonnables de croire qu'un message est un pourriel si le message est bloqué par un filtre anti-pourriel approuvé par le ministre.
Agents
11. (1) Si un agent est reconnu coupable d'une infraction à la présente loi, le ministre peut envoyer à la personne qui l'a avisé de l'autorisation en vertu de l'article 5 un avis exigeant la révocation de l'autorisation.
Révocation de l'autorisation
(2) La personne qui a, de quelque façon, autorisé un agent à envoyer des messages en son nom et qui reçoit du ministre l'avis visé au paragraphe (1) concernant cet agent doit sans délai révoquer l'autorisation.
Non-responsabilité
(3) La personne qui révoque une autorisation conformément à un avis reçu aux termes du paragraphe (2) n'est pas responsable envers l'agent des pertes ou dommages-intérêts découlant de la révocation.
Cause d'action
12. (1) Toute personne, notamment un fournisseur de services Internet, qui reçoit, contrairement à la présente loi, des pourriels en quantité telle qu'ils lui causent des inconvénients importants peut, dans un recours intenté contre l'expéditeur devant un tribunal compétent, réclamer des dommages-intérêts ou tout autre redressement approprié, y compris une injonction.
Dommages-intérêts présumés
(2) La personne qui reçoit des pourriels en quantité telle qu'ils lui causent, de l'avis du tribunal, des inconvénients importants est réputée avoir subi des dommages, même s'ils ne sont pas établis de façon spécifique, et le tribunal peut lui accorder des dommages-intérêts tant généraux qu'exemplaires.
Entrée en vigueur
13. La présente loi entre en vigueur le jour que le lieutenant-gouverneur fixe par proclamation.
Titre abrégé
14. Le titre abrégé de la présente loi est Loi anti-pourriel de 2004.
NOTE EXPLICATIVE
Le projet de loi prévoit des initiatives visant à contrôler les pourriels sur Internet.
Les articles 2 et 3 exigent du ministre des Services aux consommateurs et aux entreprises qu'il procède à des consultations auprès d'autres gouvernements et de l'Association canadienne des fournisseurs Internet concernant le contrôle des pourriels.
L'article 4 du projet de loi prévoit que toute personne peut déposer auprès du ministre ou de l'organisme à qui il a délégué cette responsabilité un avis indiquant qu'elle souhaite figurer sur une liste anti-pourriel. Toute personne envoyant un pourriel doit d'abord vérifier si l'adresse du destinataire figure sur la liste anti-pourriel. La liste n'est pas un document public et le ministre ne fournira à son égard que de l'information négative, par exemple, qu'une adresse ne figure pas sur la liste.
L'article 9 du projet de loi prévoit que si un message envoyé est reçu par une personne en Ontario, il est réputé avoir été envoyé à cette personne et l'envoi est réputé avoir été fait en Ontario.
Le projet de loi prévoit des infractions et des peines plus sévères à l'égard des messages relatifs à la pornographie, aux activités sexuelles explicites et aux tentatives de fraudes ainsi qu'à l'égard des messages qui s'adressent aux enfants. Il prévoit aussi une cause d'action lorsque la quantité de messages est telle qu'elle cause des inconvénients.