Projet de loi 89 2001
Loi prévoyant
le traitement respectueux
des victimes d'actes criminels
Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement de l'Assemblée législative de la province de l'Ontario, édicte :
Définitions
1. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«accusé» Personne accusée d'une infraction. («accused»)
«conjoint» La personne qui est mariée au particulier contre qui l'infraction a été commise ou qui vit avec lui dans une relation semblable au mariage. S'entend en outre d'une personne du même sexe. («spouse»)
«délinquant» Personne déclarée coupable d'une infraction. («offender»)
«enfant» À l'égard d'une victime, s'entend en outre :
a) de son enfant né après sa mort;
b) de son enfant par alliance;
c) d'un particulier qui n'est pas son enfant de sang ou son enfant adopté, mais qu'elle traite comme son enfant. («child»)
«infraction» S'entend, sauf à l'article 13, d'une contravention aux lois de l'Ontario ou du Canada qui cause un préjudice à une victime. («offence»)
«père ou mère» À l'égard d'une victime, s'entend en outre :
a) de son père ou de sa mère par alliance;
b) d'un particulier qui en a la garde légitime ou de fait ou encore à qui elle est confiée ou qui est chargé de lui fournir une aide financière;
c) d'un particulier qui n'est pas son père ou sa mère de sang ni son père ou sa mère adoptifs, mais qui se comporte comme son père ou sa mère envers elle. («parent»)
«personnel du système judiciaire» Les agents auxiliaires, chefs de police, agents en chef, agents désignés, agents d'exécution, agents municipaux, agents provinciaux, agents municipaux spéciaux, agents provinciaux spéciaux, agents et employés nommés ou employés en application de la Loi sur le ministère des Services correctionnels et le personnel de la Division des services aux tribunaux et de la Division du droit criminel du ministère du Procureur général. («justice system personnel»)
«sentence» S'entend notamment d'une décision au sens de la Loi sur les jeunes contrevenants (Canada). («sentence»)
«service aux victimes» Service conçu pour aider les victimes et fourni ou financé par le gouvernement. («victim service»)
«victime» À l'égard d'une infraction, un particulier qui, selon le cas :
a) subit un préjudice physique ou mental ou une perte financière par suite de l'acte ou de l'omission qui constitue l'infraction;
b) subit un traumatisme affectif important et est un particulier contre qui l'infraction a été commise ou son conjoint, son frère, sa soeur, son enfant, son père ou sa mère. («victim»)
Droit à la courtoisie et au respect
2. Le personnel du système judiciaire traite la victime avec courtoisie et respect et ne doit pas exercer à son égard de discrimination fondée sur la race, la couleur, l'ascendance, le lieu d'origine, la religion, l'état matrimonial, l'état familial, la déficience physique ou mentale, le sexe, l'orientation sexuelle, l'allégeance politique ou l'âge.
Représentation par avocat des victimes
3. À la demande de la victime, le procureur général prend des mesures raisonnables pour veiller à ce qu'un avocat fournisse à la victime des conseils juridiques et la représente si elle a besoin d'une représentation par avocat indépendante de celle de l'avocat-conseil de la Couronne à la suite d'une demande de divulgation de renseignements qui ne sont pas en possession de la police ou de l'avocat-conseil de la Couronne et qui se rapportent à ses antécédents personnels.
Présentation des conséquences
de l'infraction selon la victime
4. L'avocat-conseil de la Couronne veille à ce qu'il soit donné à la victime une occasion raisonnable de présenter au tribunal, avant le prononcé de la sentence relative à l'infraction, des éléments de preuves admissibles concernant les conséquences de l'infraction selon elle.
Renseignements exigés
5. Le personnel du système judiciaire fournit à la victime des renseignements généraux concernant :
a) la structure et le fonctionnement du système judiciaire;
b) les services aux victimes;
c) la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée;
d) la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels;
e) la Charte de 1995 des droits des victimes d'actes criminels;
f) la présente loi.
Renseignements sur l'infraction exigés
6. (1) Sous réserve des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants (Canada) et si cela ne nuit pas à une enquête ou à une poursuite relative à une infraction, le personnel du système judiciaire obtient et fournit à la victime d'une infraction qui en fait la demande des renseignements sur l'infraction, notamment :
a) l'état de l'enquête policière;
b) les chefs d'accusation précis portés contre l'accusé ou qui ont abouti à une déclaration de culpabilité du délinquant;
c) les motifs pour lesquels une décision a été rendue à l'égard des accusations;
d) le nom de l'accusé;
e) la date, le lieu et les motifs de chaque comparution devant un tribunal qui influera vraisemblablement sur la décision définitive, la sentence ou la mise en liberté sous caution de l'accusé;
f) l'issue de chaque comparution devant un tribunal qui influera vraisemblablement sur la décision définitive, la sentence ou la mise en liberté sous caution de l'accusé;
g) la durée de toute sentence que purge le délinquant et la date du début de celle-ci;
h) les moyens dont dispose la victime pour signaler toute violation par le délinquant des conditions de sa mise en liberté sous surveillance, le cas échéant;
i) les moyens de communiquer avec les organismes qui peuvent accorder la libération conditionnelle du délinquant, en modifier les conditions ou autoriser sa mise en liberté;
j) les dates d'admissibilité et d'examen qui s'appliquent au délinquant et la manière de présenter des observations dans toute instance qui pourrait aboutir à la modification du placement sous garde ou des conditions de la mise en liberté du délinquant.
Copies
(2) Sous réserve des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants (Canada), le personnel du système judiciaire prend des mesures pour que la victime qui en fait la demande obtienne des copies des ordonnances et des permis où sont énoncées les conditions qui s'appliquent à l'accusé ou au délinquant et qui se rapportent à la sécurité de la victime.
Renseignements à fournir dans les circonstances appropriées
7. (1) Si, selon les circonstances, les intérêts de la victime l'emportent à son avis sur ceux de l'accusé ou du délinquant en ce qui concerne la protection de leur vie privée, le ministre chargé de l'application de la Loi sur le ministère des Services correctionnels, le président de la Commission des libérations conditionnelles de la province de l'Ontario ou une personne que l'un ou l'autre désigne fournit à la victime qui en fait la demande les renseignements suivants sur l'infraction :
1. Le fait que le délinquant soit placé sous garde ou non et, s'il l'est, le nom et l'adresse de l'établissement où il purge sa sentence.
2. Si l'accusé ou le délinquant est placé sous garde et qu'il doit être mis en liberté, la date et la durée de la mise en liberté et les conditions de surveillance qui s'y appliquent.
3. Si l'accusé ou le délinquant est mis en liberté sous surveillance et que les conditions de la surveillance doivent être modifiées, la nature des modifications et la date de leur entrée en vigueur.
4. Si le délinquant est ou sera en probation sous surveillance, en liberté conditionnelle ou en liberté en vertu d'une permission de sortir, la région de l'Ontario où il pourrait se trouver et le fait qu'il passera ou non à proximité de la victime lorsqu'il s'y rendra.
Idem
(2) Le paragraphe (1) s'applique malgré les dispositions de la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, mais sous réserve des dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants (Canada).
Buts
8. Dans la mesure du possible, le gouvernement favorise la réalisation des buts suivants :
1. Élaborer des services aux victimes et promouvoir le même accès à ces services partout en Ontario.
2. Assurer la protection adéquate des victimes contre l'intimidation et les représailles.
3. Faire en sorte que la police remette promptement aux victimes leurs biens obtenus par les délinquants au cours d'infractions si leur rétention n'est pas nécessaire aux fins d'une enquête ou d'une poursuite.
4. Faire en sorte que le personnel du système judiciaire soit formé pour traiter les victimes de façon appropriée.
5. Faire en sorte qu'il soit tenu compte de façon appropriée des besoins des victimes à l'égard de la rapidité des enquêtes et des poursuites relatives aux infractions.
6. Faire en sorte que les palais de justice comportent les installations nécessaires pour que les victimes puissent attendre le moment de leur comparution devant un tribunal ailleurs qu'avec l'accusé et les témoins à décharge.
7. Assurer partout en Ontario le même accès des victimes :
i. à des salles d'audience et à des bureaux de poursuivant conçus pour convenir aux handicapés physiques,
ii. à des interprètes dans toutes les langues,
iii. à des services adaptés à la culture des autochtones et des membres des minorités ethnoculturelles.
Validité des instances
9. (1) Une instance relative à une infraction ne doit pas être retardée ou annulée pour le motif que la présente loi n'a pas été observée ou qu'un droit qu'elle accorde a été refusé ou qu'il y a été porté atteinte. Pour ce motif, le tribunal ne doit pas rendre une ordonnance à l'égard de la conduite de l'instance ou de la validité ou du bien-fondé d'une ordonnance, d'une déclaration de culpabilité, d'une sentence ou des autres choses faites dans l'instance.
Aucun appel
(2) Il ne peut être interjeté appel d'une ordonnance, d'une déclaration de culpabilité ou d'une sentence pour le motif qu'un droit accordé par la présente loi a été refusé ou qu'il y a été porté atteinte.
Office des affaires des victimes d'actes criminels
10. (1) À compter du dernier en date du jour où le présent article entre en vigueur ou du jour où l'article 1 du chapitre 32 des Lois de l'Ontario de 2000 entre en vigueur, la victime qui est d'avis qu'un droit accordé par la présente loi lui a été refusé peut présenter une demande à l'Office des affaires des victimes d'actes criminels pour solliciter un examen des circonstances donnant lieu à sa plainte. L'Office peut, selon ce qu'il juge opportun, examiner les mesures qu'a prises le personnel du système judiciaire dans le cadre de son interaction avec la victime et déposer un rapport, comprenant des recommandations sur les mesures à prendre, au procureur général, qui présente ce rapport devant l'Assemblée législative.
Exception
(2) Malgré le paragraphe (1), l'Office des affaires des victimes d'actes criminels refuse d'enquêter sur l'opportunité d'une décision d'un membre de la Division du droit criminel du ministère du Procureur général pour, selon le cas :
a) approuver la poursuite d'une infraction;
b) refuser d'approuver la poursuite d'une infraction;
c) retarder la poursuite d'une infraction;
d) suspendre la poursuite d'une infraction;
e) interjeter ou refuser d'interjeter un appel ou conduire ou refuser de conduire une autre instance à l'égard d'une infraction;
f) exercer d'autres fonctions relatives au pouvoir discrétionnaire de poursuivre.
Rapport annuel
11. Le rapport annuel visé à l'article 7 de la Loi sur le ministère du Procureur général comprend un rapport sur l'application de la présente loi.
Aucune pénalité
12. Nul employeur ne peut exercer de discrimination à l'égard d'un employé, notamment en le licenciant, en le suspendant, en l'intimidant, en le contraignant ou en lui imposant une sanction, notamment pécuniaire, parce qu'il s'absente du travail pour, selon le cas :
a) comparaître devant un tribunal comme témoin dans une instance relative à une infraction;
b) assister à une réunion avec des membres du personnel du système judiciaire, à leur demande, pour aider à une enquête relative à une infraction ou à la préparation de la poursuite d'une infraction.
Infraction
13. Quiconque contrevient à l'article 12 est coupable d'une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 2 000 $ et d'un emprisonnement maximal de six mois, ou d'une seule de ces peines.
Pouvoir de prendre des règlements
14. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut prendre les règlements visés à l'article 23 de la Loi d'interprétation.
15. L'article 2 de la Charte de 1995 des droits des victimes d'actes criminels est abrogé.
Entrée en vigueur
16. La présente loi entre en vigueur le jour que le lieutenant-gouverneur fixe par proclamation.
Titre abrégé
17. Le titre abrégé de la présente loi est Loi de 2001 sur le respect des victimes d'actes criminels.
NOTE EXPLICATIVE
Le projet de loi prévoit que l'avocat-conseil de la Couronne doit donner aux victimes une occasion raisonnable de présenter au tribunal, avant le prononcé de la sentence, des éléments de preuves admissibles concernant les conséquences d'un crime. En outre, il doit être obligatoire d'informer les victimes sur les structures et le fonctionnement du système judiciaire, les services aux victimes, la Loi sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée, la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels et la présente loi. Dans la mesure où la fourniture de renseignements particuliers ne nuit pas à une enquête, les victimes qui en font la demande doivent être informées sur l'infraction. Les victimes ont la possibilité de s'adresser à l'Office des affaires des victimes d'actes criminels pour obtenir réparation si elles ont à se plaindre du traitement dont elles ont fait l'objet et du non-respect des dispositions législatives sur les droits des victimes.