Projet de loi 30 2003
Loi visant à protéger les adultes
contre la maltraitance
et la négligence
Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement de l'Assemblée législative de la province de l'Ontario, édicte :
Définitions
1. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«adulte» Personne qui a atteint l'âge de 18 ans et, en l'absence d'une preuve positive d'âge, personne qui a apparemment atteint cet âge. («adult»)
«directeur» Le directeur du Bureau de la protection des adultes nommé en application de l'article 3. («Director»)
«ministre» Le procureur général ou l'autre membre du Conseil exécutif qui est chargé de l'application de la présente loi en vertu de la Loi sur le Conseil exécutif. («Minister»)
«règlements» Les règlements pris en application de la présente loi. («regulations»)
«tribunal» La Cour de justice de l'Ontario ou la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice. («court»)
«tribunal d'appel» S'entend, selon le cas :
a) de la Cour supérieure de justice, dans le cas de l'appel d'une ordonnance de la Cour de justice de l'Ontario;
b) de la Cour divisionnaire, dans le cas de l'appel d'une ordonnance de la Cour de la famille de la Cour supérieure de justice. («appeal court»)
Application de la Loi
2. Le ministre est chargé de l'application et de l'exécution de la présente loi et des règlements.
Directeur du Bureau de la protection des adultes
3. (1) Le lieutenant-gouverneur en conseil nomme un directeur du Bureau de la protection des adultes.
Employés
(2) Les employés du Bureau de la protection des adultes peuvent être nommés en vertu de la Loi sur la fonction publique.
Préposés à la protection des adultes
4. (1) Le directeur peut nommer des employés du Bureau de la protection des adultes préposés à la protection des adultes pour l'application de la présente loi.
Pouvoirs
(2) Un préposé à la protection des adultes peut agir pour le compte du directeur et en son nom.
Fonctions du directeur
5. (1) La tâche du directeur consiste à exercer les fonctions qui lui sont imposées en application de la présente loi ou de toute autre loi et celles dont le charge de temps à autre le ministre.
Règles prescrites
(2) Dans l'exercice de ses fonctions, le directeur se conforme aux règles et normes que prescrivent les règlements et suit les procédures et pratiques que prescrivent ceux-ci.
Immunité
6. (1) Sont irrecevables les instances introduites contre le directeur ou un des employés du Bureau de la protection des adultes pour tout acte accompli de bonne foi dans l'exercice effectif ou censé tel de ses fonctions ou pouvoirs ou pour une négligence ou un manquement qu'il aurait commis dans l'exercice de bonne foi de ses fonctions ou pouvoirs.
Responsabilité de la Couronne
(2) Malgré les paragraphes 5 (2) et (4) de la Loi sur les instances introduites contre la Couronne, le paragraphe (1) ne dégage pas la Couronne de la responsabilité qu'elle serait autrement tenue d'assumer à l'égard d'un délit civil commis par une personne visée au paragraphe (1).
Adulte maltraité
7. (1) Un adulte est un adulte maltraité s'il remplit les critères suivants :
a) il est une victime de mauvais traitements infligés dans les lieux où il réside;
b) il est incapable de se protéger contre les mauvais traitements en raison d'une incapacité ou infirmité physique ou mentale;
c) il refuse ou est incapable de prendre des mesures pour assurer sa protection contre les mauvais traitements, ou tarde à le faire.
Définitions
(2) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent article.
«exploitation financière» Usage illégal ou abusif des fonds, biens ou avoirs de la personne. («financial abuse»)
«mauvais traitements» S'entend de tout ou partie de ce qui suit :
a) les mauvais traitements d'ordre physique;
b) les mauvais traitements d'ordre sexuel;
c) les mauvais traitements d'ordre affectif;
d) l'usage préjudiciable de médicaments;
e) l'exploitation financière;
f) la violation des droits et libertés de la personne. («abuse»)
«mauvais traitements d'ordre affectif» S'entend du fait de causer à une personne de l'angoisse ou de la détresse par des moyens verbaux ou non, y compris constamment la traiter comme un enfant, la critiquer ou la rabaisser, l'enfermer dans une pièce et menacer de la placer en établissement. («emotional abuse»)
«mauvais traitements d'ordre physique» S'entend du recours à la force physique qui pourrait entraîner des blessures corporelles, des douleurs physiques ou des troubles physiques, y compris le fait de donner des coups de poing, de gifler, d'utiliser des moyens de contention non autorisés par la loi et d'ébouillanter. («physical abuse»)
«mauvais traitements d'ordre sexuel» S'entend de contacts sexuels non consensuels de tout genre. («sexual abuse»)
«usage préjudiciable de médicaments» S'entend du mauvais usage des médicaments et ordonnances de la personne, y compris la retenue des médicaments et la surmédication. («medication abuse»)
«violation des droits et libertés de la personne» S'entend du refus à une personne des droits et libertés dont jouit normalement un adulte. S'entend notamment du refus à une personne du droit de pratiquer sa religion, du fait de l'empêcher de dépenser ses économies et du fait de l'empêcher de voir ses amis ou parents. («abuse of the person's rights and freedoms»)
Adulte négligé
8. Un adulte est un adulte négligé s'il remplit les critères suivants :
a) il ne reçoit pas des soins ni une attention appropriés dans les lieux où il réside;
b) il est incapable de prendre soin de lui-même convenablement en raison d'une incapacité ou infirmité physique ou mentale;
c) il refuse ou est incapable de prendre des mesures pour faire en sorte qu'il reçoive des soins ou une attention appropriés, ou tarde à le faire.
Adulte ayant besoin de protection
9. Un adulte a besoin de protection s'il est un adulte maltraité ou un adulte négligé.
Obligation de déclarer le besoin de protection d'un adulte
10. (1) Malgré les dispositions de toute autre loi, la personne qui a des motifs raisonnables de soupçonner qu'un adulte a besoin de protection fait rapport sans délai au directeur de ses soupçons ainsi que des renseignements sur lesquels ceux-ci se fondent.
Devoir constant de faire rapport
(2) La personne qui a d'autres motifs raisonnables de soupçonner qu'un adulte a besoin de protection fait de nouveau rapport en application du paragraphe (1), même si elle a présenté auparavant d'autres rapports au sujet du même adulte.
Devoir de faire rapport directement
(3) La personne qui a le devoir de faire rapport en application du paragraphe (1) ou (2) présente son rapport directement au directeur et ne doit pas compter sur une autre personne pour le faire en son nom.
Infraction
(4) Est coupable d'une infraction toute personne qui :
a) d'une part, contrevient au paragraphe (1) ou (2) en ne faisant pas rapport de ses soupçons;
b) d'autre part, a obtenu les renseignements sur lesquels se fondent ses soupçons dans l'exercice de sa profession ou de ses fonctions officielles.
Idem
(5) Est coupable d'une infraction l'administrateur, le dirigeant ou l'employé d'une personne morale qui autorise ou permet la commission d'une infraction prévue au paragraphe (4) par un employé de la personne morale, ou qui y consent.
Peine
(6) La personne qui est déclarée coupable d'une infraction prévue au paragraphe (4) ou (5) est passible d'une amende maximale de 1 000 $.
Primauté du présent article
(7) Le présent article s'applique même si les renseignements présentés dans le rapport peuvent être confidentiels ou privilégiés.
Exception : secret professionnel de l'avocat
(8) Le présent article ne porte pas atteinte au secret professionnel qui lie l'avocat à son client.
Irrecevabilité d'une instance
(9) Est irrecevable l'instance introduite contre une personne pour avoir présenté un rapport visé au présent article, sauf si elle a agi dans l'intention de nuire ou sans que ses soupçons se fondent sur des motifs raisonnables.
Obtention de renseignements et enquête par le directeur
11. S'il reçoit un rapport faisant état de soupçons selon lesquels un adulte aurait besoin de protection, le directeur prend les mesures suivantes :
a) il se renseigne à l'égard de la question;
b) s'il conclut qu'il y a des motifs raisonnables de soupçonner que l'adulte a besoin de protection, il fait mener une enquête et peut, s'il le juge souhaitable dans le cadre de l'enquête, demander à un membre de l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario d'évaluer l'état physique et mental de l'adulte et les soins et l'attention qu'il reçoit et de faire rapport à ce sujet.
Refus de collaborer à l'enquête
12. (1) Si l'adulte, un membre de sa famille ou la personne qui prend soin de l'adulte ou qui en a la responsabilité refuse de collaborer avec le directeur pour faire en sorte qu'une enquête satisfaisante soit menée, le directeur peut demander, par voie de requête, au tribunal de rendre une ordonnance autorisant toute personne qui y est nommée à pénétrer, en ayant recours à la force au besoin, dans un bâtiment ou un autre endroit précisé dans l'ordonnance dans le but de mener l'enquête.
Ordonnance du tribunal autorisant l'entrée
(2) Si, au moins quatre jours avant la date fixée pour l'audition de la requête, le directeur donne avis des date, heure et lieu de la tenue de l'audience à l'adulte ainsi qu'à la personne qui prend soin de l'adulte ou qui en a la responsabilité ou s'il n'a pas donné le préavis mais que le tribunal conclut qu'il y a des motifs raisonnables de soupçonner que l'adulte est en danger, le tribunal peut rendre l'ordonnance s'il conclut, après avoir obtenu les renseignements nécessaires, ce qui suit :
a) l'adulte, un membre de sa famille ou la personne qui prend soin de l'adulte ou qui en a la responsabilité a refusé de collaborer avec le directeur pour faire en sorte qu'une enquête satisfaisante soit menée;
b) il y a des motifs raisonnables de soupçonner que l'adulte a besoin de protection.
Aide
13. S'il est convaincu, au terme de l'enquête, que l'adulte a besoin de protection, le directeur lui offre une aide, si l'adulte est disposé à l'accepter, pour obtenir des services, être transféré dans d'autres lieux que le directeur juge convenables ou prendre d'autres mesures qui lui assureront une protection contre les mauvais traitements ou des soins et une attention appropriés ou les deux.
Ordonnance déclarant qu'un adulte a besoin de protection
14. (1) S'il est convaincu, au terme de l'enquête, que l'adulte a besoin de protection, le directeur peut demander, par voie de requête, au tribunal de rendre une ordonnance déclarant que l'adulte a besoin de protection et prévoyant l'une ou plusieurs des mesures suivantes :
1. Autoriser le directeur à fournir à l'adulte des services, à le transférer dans d'autres lieux que le directeur juge convenables ou à prendre d'autres mesures qui lui assureront une protection contre les mauvais traitements ou des soins et une attention appropriés ou les deux.
2. Exiger de la personne qui a maltraité l'adulte qu'elle cesse de résider dans les lieux où réside ce dernier, à moins qu'elle n'en soit le propriétaire ou le locataire.
3. Interdire à la personne qui a maltraité l'adulte tout contact ou toute association avec ce dernier ou limiter ces contacts ou cette association.
4. Exiger d'une personne qui est dans l'obligation légale de ce faire qu'elle paie le coût de l'entretien et des aliments de l'adulte ou qu'elle y contribue.
Préavis
(2) Au moins 10 jours avant la date fixée pour l'audition d'une requête présentée en vertu du paragraphe (1), le directeur donne un préavis des date, heure et lieu de la tenue de l'audience à l'adulte, à la personne qui en prend soin ou qui en a la responsabilité et à toutes les autres personnes à l'encontre desquelles l'ordonnance est demandée.
Pouvoirs du tribunal
(3) Si, après l'audition de la requête, le tribunal conclut que l'adulte a besoin de protection et que, selon le cas, l'adulte est mentalement incapable de décider s'il doit ou non accepter l'aide du directeur ou refuse l'aide du directeur pour des raisons de contrainte peut, s'il estime que cette mesure est dans l'intérêt véritable de l'adulte, rendre une ordonnance déclarant que l'adulte a besoin de protection et prévoyant l'une ou plusieurs des mesures énoncées au paragraphe (1) ou toute autre mesure qu'il juge appropriée dans les circonstances.
Avis donné au Tuteur et curateur public
(4) Le tribunal qui rend une ordonnance en vertu du paragraphe (3) peut aviser le Tuteur et curateur public de l'ordonnance.
Expiration de l'ordonnance
(5) Une ordonnance rendue en vertu du paragraphe (3) expire le 180e jour qui suit sa date.
Modification, renouvellement ou révocation de l'ordonnance
(6) Le directeur, l'adulte ou une personne intéressée agissant en son nom ou encore une personne à l'encontre de laquelle l'ordonnance a été rendue peut présenter au tribunal une requête en vue de modifier, de renouveler ou de révoquer une ordonnance rendue en vertu du paragraphe (3), au plus tôt le 90e jour qui suit la date de l'ordonnance.
Préavis
(7) Au moins 10 jours avant la date fixée pour l'audition de la requête visée au paragraphe (6), le requérant donne avis des date, heure et lieu de la tenue de l'audience aux parties intéressées.
Facteur à prendre en considération
(8) Le tribunal peut modifier, renouveler ou révoquer l'ordonnance s'il est convaincu que cette mesure est dans l'intérêt véritable de l'adulte.
Expiration de l'ordonnance de renouvellement
(9) Une ordonnance de renouvellement expire le 180e jour qui suit sa date.
Infraction
(10) La personne qui contrevient à une ordonnance rendue en vertu de la disposition 2, 3 ou 4 du paragraphe (1) est coupable d'une infraction et passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 1 000 $ et d'un emprisonnement maximal d'un an ou d'une seule de ces peines.
Appel
15. (1) Le directeur, l'adulte ou une personne intéressée agissant en son nom ou encore une personne à l'encontre de laquelle l'ordonnance a été rendue peut interjeter appel d'une ordonnance rendue en vertu de l'article 14 devant le tribunal d'appel.
Preuves supplémentaires
(2) Le tribunal d'appel peut recevoir des preuves supplémentaires se rapportant à des événements postérieurs à l'ordonnance portée en appel.
Pouvoirs du tribunal d'appel
(3) Après avoir entendu l'appel, le tribunal d'appel peut, selon le cas :
a) confirmer l'ordonnance portée en appel, avec ou sans modifications;
b) annuler l'ordonnance portée en appel;
c) renvoyer la question au tribunal qui a rendu l'ordonnance en formulant les directives qu'il estime appropriées;
d) substituer à l'ordonnance portée en appel une autre ordonnance qu'autorise la présente loi.
Aide d'un agent de police
16. À la demande d'une personne agissant aux termes d'une ordonnance rendue en vertu de la présente loi, un agent de police aide la personne dans l'exécution de l'ordonnance ou l'exercice du pouvoir que confère celle-ci.
Règlements
17. Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, prescrire des règles, normes, procédures et pratiques pour l'application du paragraphe 5 (2).
Entrée en vigueur
18. La présente loi entre en vigueur le jour où elle reçoit la sanction royale.
Titre abrégé
19. Le titre abrégé de la présente loi est Loi de 2003 sur la protection des adultes.
NOTE EXPLICATIVE
Le projet de loi prévoit la nomination du directeur du Bureau de la protection des adultes pour assurer la protection des adultes maltraités et négligés qui sont incapables de se protéger contre les mauvais traitements ou la négligence en raison d'une incapacité ou infirmité physique ou mentale.
Le projet de loi prévoit la présentation obligatoire de rapports sur les cas de maltraitance ou de négligence au directeur du Bureau de la protection des adultes et exige du directeur qu'il se renseigne à l'égard de tels rapports. S'il conclut qu'il y a des motifs raisonnables de soupçonner que l'adulte qui fait l'objet du rapport a besoin de protection, le directeur doit faire mener une enquête. Il peut demander, par voie de requête, au tribunal de rendre une ordonnance autorisant l'entrée sur les lieux dans le but de mener l'enquête. Si, au terme de l'enquête, le directeur est convaincu que l'adulte a besoin de protection et si ce dernier est disposé à accepter cette aide, le directeur est tenu de l'aider à obtenir des services, à le transférer dans d'autres lieux que le directeur juge convenables ou à prendre d'autres mesures qui lui assureront une protection contre les mauvais traitements ainsi que des soins et une attention appropriés.
Si l'adulte est mentalement incapable de décider s'il doit ou non accepter l'aide du directeur ou s'il refuse son aide pour des raisons de contrainte, le directeur peut demander, par voie de requête, au tribunal une ordonnance déclarant que l'adulte a besoin de protection. Si le tribunal estime que cette mesure est dans l'intérêt véritable de l'adulte, il peut rendre l'ordonnance et autoriser le directeur à fournir à l'adulte des services, à le transférer dans d'autres lieux que le directeur juge convenables ou à prendre d'autres mesures qui lui assureront une protection contre les mauvais traitements ainsi que des soins et une attention appropriés. Le tribunal peut également, par ordonnance, exiger de la personne qui a maltraité l'adulte qu'elle cesse de résider dans les lieux où réside l'adulte, lui interdire tout contact ou toute association avec ce dernier ou limiter ces contacts ou cette association, exiger d'une personne qui est dans l'obligation légale de ce faire qu'elle paie le coût de l'entretien et des aliments de l'adulte ou qu'elle y contribue, ou rendre toute autre ordonnance qu'il juge appropriée. Le projet de loi prévoit l'expiration, la modification, le renouvellement, la révocation et l'appel de ces ordonnances du tribunal.